J’ai toujours un faible, devant une bibliothèque, pour les petits livres. Pas les poche (qui, vous l’avez remarqué, sont toujours trop grands ou trop épais pour entrer dans une poche, d’où leur nom), mais les livres de petite taille, les demi-formats, les opuscules, tout discrets à côté des gros livres. Leur modestie cache souvent des trésors. Je n’irais pas jusqu’à dire que l’intérêt d’un livre est inversement proportionnel au volume qu’il occupe ; mais j’affirme que les chances qu’un livre soit intéressant croissent en fonction inverse de sa taille, ce qui se vérifie expérimentalement. Démonstration ces jours-ci avec deux petits tomes signés Philippe Claudel et Dominique Noguez, longs d’environ 100 pages chacun, portatifs par leurs dimensions réduites (17 Í 12 cm pour le Claudel, un peu moins pour le Noguez). Ce sont, chacun dans son genre, des petits joyaux, humbles, piquants et excellents.

Commençons par Noguez, Pensées bleues. Ce petit livre joue à fond la carte de la brièveté puisqu’il s’agit d’un recueil d’aphorismes ; art suprême et délicat, où l’expression se resserre jusqu’à son point de perfection, et qui ne supporte aucune approximation. Il y faut de l’esprit, si possible du mauvais ; Dominique Noguez n’en manque pas, non plus que du sens de l’absurde. Ses aphorismes, tantôt tendres, tantôt cruels, sont d’un spectateur amusé, lucide, parfois perfide, ami du jeu de mots, du couperet, de l’intuition poétique. Il faudrait donner des exemples ; mais comment choisir ? J’en pioche un, au hasard : « L’âge venu, non seulement on est dérangé par le bruit, mais, en plus, on l’entend mal ». L’allure badine et discrète de ces Pensées, accompagnées de dessins de Pierre Le Tan, cachent des éclairs de sagesse caustique, et d’innombrables trouvailles.

Des trouvailles, il y en a aussi dans De quelques amoureux des livres de Claudel. Il s’agit d’un catalogue d’écrivains imaginaires, ce genre borgésien prisé des bibliophiles et des amateurs de canulars. Claudel invente une centaine d’écrivains farfelus, maniaques, fous, auxquels il règle leur compte en quelques lignes. Là aussi, il faudrait citer des exemples ; mais cela reviendrait à recopier le livre entier. Je préfère vous laisser le plaisir de la découverte, et constater au passage qu’on n’est jamais, de la part d’un écrivain qu’on croit loin de nos préférences, à l’abri d’une magnifique surprise.

Pensées bleues de Dominique Noguez (Equateurs)
De quelques amoureux des livres de Philippe Claudel (Finitude)