C’est à une leçon de lucidité que nous convie Dominique Noguez dans ce bréviaire indispensable à toute conduite humaine, mais aussi pour saisir l’essence d’une époque -la nôtre- clandestinement mortifère. Ses précédents romans et textes critiques approchaient, par la bande, de cet objectif. Dans Immoralités, il a choisi de réunir le meilleur de ses « pensées ». Des fragments précieux -ne garder que l’essentiel afin d’amplifier la portée de ce qui est écrit- dont le lecteur pourrait faire un assez bon emploi. Des exemples ? Ce livre en regorge : « L’humour est tout ce qui reste au principe de plaisir quand il s’est pris le principe de réalité en pleine gueule. » Ou encore : « La France est devenue ce qu’en 1909 les futuristes redoutaient que devînt l’Italie : un peuple de gardiens de musée et d’organisateurs de son et lumière. » Voilà comment peut se traduire la force de l’éclat. Surtout lorsque celui-ci se trouve au service de la gaieté. Car le genre est connu, mais bien souvent il s’agit, chez d’autres, de phrases nimbées de nostalgie et de motifs sentimentaux sans grand intérêt (quand elles ne restent pas au niveau du sol).
Là où Dominique Noguez exerce pleinement ses dons, c’est justement dans l’art d’affiner ses pointes. Ses aphorismes n’en sont que plus justes. Ils sont autant de résistances à la répression ambiante. Une manière d’être pour cet aventurier de la dialectique qui, comme il se doit, possède l’acuité et le style des meilleurs moralistes. En réponse au « mot de la fin (projet de) » de l’auteur -« Ce n’était que ça ? »-, on pourrait, sans flatterie excessive, dire : c’est déjà pas mal.