Auteur prolixe, Dermot Bolger est indissociable du renouveau de la littérature irlandaise, aux côté d’un Roddy Doyle ou d’un Joseph O’Connor. Publié pour la première fois en 1994, révisé en 2010, A Second life reprend des thématiques qui lui sont familières (construction de l’identité, absence de la mère), focalisées autour d’une problématique bien particulière à l’Irlande, où elle est un véritable fait de société : l’adoption d’enfants « abandonnés » par des mères mineures ou célibataires dans les années 1950 / 1960. Le roman fait écho à d’autres oeuvres qui se sont penchées sur la question (le film Magdalene sister’s, notamment) et revisite l’histoire récente du pays, critiquant ses archaïsmes, sa dureté, le poids de la religion et, pire encore, du bien-pensant dans ce qu’il a généré de plus sordide, honteux, silencieux.

Au coeur du récit, donc, le secret et la honte. Sean Blake n’a jamais avoué à sa femme qu’il était un enfant adopté. Suite à un accident de voiture qui lui occasionne une expérience de « sortie de corps », il décide de partir sur les traces de sa mère inconnue. S’ensuit une enquête matinée d’un soupçon de fantastique (d’autant plus bizarre que totalement inabouti) à travers l’Irlande rurale, son histoire, ses traditions. Dans une course à la vérité de plus en plus frénétique, Sean remonte le fil de son histoire, ses sentiments se muant de la frustration à la colère, en passant par la haine, la culpabilité.

Loin de la puissance d’impact de La Musique du père, qui traitait des sujets similaires mais d’un point de vue féminin, ou de La Ville des ténèbres, A Second life est un roman de l’enfermement. La symbolique est imposée, immédiatement : Second Life, comme l’adoption, comme le retour à la vie après l’expérience du coma. Les digressions paranormales ou fantastiques qui parsèment le texte sont un vrai ratage, prétexte à un sentimentalisme béat, superflu. La patte irlandaise est bien là, lyrisme, nostalgie, mais l’écriture, moins dure, moins heurtée que dans les précédents romans de l’auteur, dépasse le stade du simple apaisement, pour s’embourber dans une bonne conscience qui douche toute colère, toute envie de vengeance du narrateur, en les confrontant au mur de la vieillesse, des regrets, adversaires fourbes, difficiles à détester, trop évidemment pardonnables. C’est sans doute ce qu’a voulu Bolger. Ne pas sanctionner quelques figures, montrer la responsabilité d’une société toute entière, obsédée par sa conception de la respectabilité et de la bonne tenue.

Il n’en reste pas moins que le récit manque d’une certaine âpreté qui permettrait sa mise en relief. C’est d’autant plus frappant que le portrait de Sean, avec ses conflits intérieurs, ses doutes, ses hantises, est d’une troublante finesse. Le roman parvient d’ailleurs à ses fins : le père réconcilié avec lui-même emmène son fils au stade, sur les traces du père adoptif auquel lui n’a pas toujours su donner sa juste place, posant les jalons d’un nouveau départ. Une nouvelle Second life.