En ces temps hystériques de fêtes de fin d’année, les vaches laitières de l’édition française, une fois de plus, se frottent les mains, qu’y pouvons-nous ? Pour limiter la casse, on fuira le Goncourt. On oubliera qu’il y eut cette année, comme tous les ans, un prix Médicis, un prix des Lycéens, un prix du Bon et du Mauvais Goût et un prix de la Tarte à la Crème. Et à la pieuse cousine qui piaffe d’impatience à l’approche des célébrations de Noël, on offrira Le Recours au mythe, de Claude Louis-Combet.
Voici un livre dont la lecture, au moins, n’est pas aisée. Essai autobiographique, Le Recours au mythe est une lente plongée au cœur des origines de l’œuvre de Claude Louis-Combet, origines que l’auteur situe dans les mythes (païens ou sacrés) dont furent nourries son enfance et sa jeunesse. L’auteur ne s’en cache pas : ni l’une, ni l’autre, ni aucun événement de son existence ne sont sortis de l’ordinaire. « Assurément, alors que tant d’enjeux faisaient flamber la vie au dehors (…), le jeune garçon (…) n’en avait que pour son monde au dedans, pour son rapport à Dieu qui passait par son rapport aux mères qui passait par son rapport au phalle qui passait par son rapport au péché qui passait par son rapport aux mots. On ne peut rien imaginer de plus solitaire ». Voici le lecteur averti. Hors des plaisirs de lecture (Jules Vernes, les grands romantiques, Mircéa Eliade…), des souvenirs de brume dans les rues de Lyon et ses réflexions obsessionnelles sur l’éros en surplomb des marais de Vasselin (près de Lyon), il n’y a dans la vie de cet homme rien de bien notable, si ce n’est l’essentiel : l’œuvre.
On dira qu’il se trouve dans Le Recours au mythe le meilleur et le pire. Le meilleur, c’est l’austérité monacale de ces lignes, doublée d’une richesse de style et d’introspection qui est la marque de toute l’œuvre de Claude Louis-Combet. Une prose dense et torturée mais qui révèle parfois quelques niches de lumineuse lucidité. Le pire est atteint lorsque vers le deuxième tiers du livre, les souvenirs d’enfance, forcément émouvants, laissent la place à des considérations fort abstraites sur la féminité, la « solitude de la filialité » ou encore l’androgynie. Bien qu’il s’en défende vigoureusement (« l’approche scientifique du réel me rebutait comme une profanation »), l’auteur enchaîne jusqu’à égarer son lecteur les interprétation mythologiques de sa propre existence. Du même coup, Le Recours au mythe prétend nous initier à un secret sans jamais le révéler. C’est d’une grande intensité, et souvent très agaçant. La vieille cousine en fera ce qu’elle veut.