On sait les traces que la guerre du Vietnam a laissées dans la mémoire collective américaine. En revanche, on méconnaît le fait que l’Australie s’y illustra également par l’envoi de troupes et de nombreux journalistes. Parmi ces derniers, Tim Page, Neil Davis ou Sean Flynn sont autant de figures mythiques du panthéon du photo-journalisme. Mike Landford aurait assurément pu être dans cette liste très réduite, s’il n’avait été -bien qu’on en doute parfois- un personnage de fiction issu de l’imagination et de l’expérience de Christopher Koch. Originaire de Tasmanie, ce qui est déjà une rareté en soi, trop à l’étroit dans cette île où les mauvais souvenirs se mêlent à l’ennui, il rejoint Singapour avec pour espoir de devenir photo-reporter. Bientôt, à force d’audace et de courage, il devient l’un des plus célèbres photographes de guerre, couvrant successivement le conflit vietnamien puis la prise de pouvoir des Khmers rouges au Cambodge en 1975. Jusqu’au jour où, en avril 1976, après avoir tenté de retourner au Cambodge pour des raisons mystérieuses, il ne donne plus signe de vie -mais sans cesser d’entretenir une correspondance avec l’un de ses amis d’enfance, demeuré en Tasmanie, et à qui échoit, la disparition de Langford avérée, le rôle d’exécuteur testamentaire. Débute alors pour ce dernier une longue quête, de Launceston à Saigon, en passant par Phnom Penh et Bangkok, à la recherche de cet ami disparu.

On aura compris qu’il y a ici tous les ingrédients pour un film à grand budget. D’autant plus que Christopher Koch n’est pas tout à fait un inconnu, puisque son roman le plus célèbre, L’Année de tous les dangers, qui retraçait l’un des plus sombres épisodes de l’histoire de l’Indonésie, a été adapté au cinéma en 1983 par Peter Weir.
Il n’empêche. Les Rizières rouges n’est pas seulement ce fruit trop mûr que les scénaristes de Hollywood pourraient transformer en navet. Sans tomber dans la nostalgie qui ferait regretter à certains le temps des planteurs français en Indochine, ce texte est avant tout un hommage, tout en nuances, à ce que furent le Vietnam et le Cambodge avant la mise en place de régimes dictatoriaux. Entre deux scènes filmées sur le front, « caméra à l’épaule » dirait-on, Koch est parvenu, en de longs passages manquant malheureusement parfois de rythme, à peindre l’effervescence et le tumulte régnant à Saigon (la ville ne croyait pas à l’arrivée de l’armée nord-vietnamienne) ou la nonchalance, à l’aube des massacres, de Phnom Penh, « insouciante et gaie comme un enfant ». Il est parfois troublant de constater que certaines villes ne sont jamais aussi belles qu’à la veille de leur anéantissement…