Enseignement : même en faisant court, il y a moyen de partir dans le n’importe quoi. Le prolifique Christophe Bourseiller (on lui doit, pour la seule année passée, un Guide l’autre Paris et une bonne biographie de Guy Debord, qui aura d’ailleurs beaucoup fait parler) nous propose ici un nouveau et deuxième roman fait de bric (le portrait remarquablement dressé d’une troupe de théâtre minable) et de broc (une incursion foireuse dans le cybermonde), où, malgré les indications claires de la quatrième de couverture -comédie, critique sociale et esprit voltairien (sic) sont au programme-, on avoue ne pas bien tout comprendre de ses intentions, mais soit.

L’histoire commence avec les aventures théâtrales de Pierre Vian, jeune comédien reclus dans les seconds rôles, qui joue une pièce de Tchekhov au Centre dramatique de Sète. Non seulement la plupart des membres de la troupe sont relativement antipathiques (ego surgonflés, piques mutuelles à voix basse), mais en plus le spectacle est un bide. Peu après qu’il s’est fait virer de la troupe, ses parents meurent dans un accident d’avion. Il pleut, la France est paralysée par la grève. Ce n’est certes pas là un destin facile que Bourseiller ménage à son héros, mais au moins, malgré l’originalité certaine de cette extraordinaire déveine, tout se tient encore à peu près. Là où le bât blesse, c’est dans la suite des aventures de Pierre. Plus ou moins séduit par une aimable quadragénaire aux alléchantes rondeurs, il expérimente les appareillages cybernétiques d’une sienne amie : sous le casque, les images deviennent réalité, la fiction informatisée rejoint le sensible, le rêve se fait chair.

Et Bourseiller trébucha. Que le thème du spectacle le passionne au point qu’il organise son roman autour d’une judicieuse confrontation entre théâtre (la forme la plus classique et canonique du spectacle) et, pour le dire vite, cybermonde (sa variation améliorée du troisième millénaire) ne lui interdisait pas de chercher ailleurs que dans cette parodie de science-fiction de troisième série le ressort des aventures de son héros. A cinquante pages réellement réussies succèdent cent cinquante autres que même les habitués des enquêtes du Poulpe, d’une vraisemblable indulgence, liront avec un moyen intérêt.