Lorsque l’on cherchera à parler sérieusement du cinéma de ces vingt dernières années, plusieurs noms de réalisateurs émergeront. Celui de David Lynch devrait figurer en bonne place, malgré l’incompréhension actuelle autour de son œuvre. Ce livre d’entretiens avec Chris Rodley, réalisateur anglais, est une merveille du genre. Cela tient autant à la connaissance du cinéma de son intervenant qu’à la richesse et à la justesse du propos de Lynch. Car si ses films ont abondamment été commentés par la presse internationale depuis Elephant Man, rien -ou si peu de choses- n’a pu ressortir avec une telle force que les commentaires qu’en donne son auteur. Lynch aborde ici, avec drôlerie bien souvent, les thèmes de ses longs-métrages, les univers qui s’y rattachent, les correspondances établies entre eux, etc. Tout ce qui se trouve au cœur même de cette œuvre sensible, onirique, proprement extraordinaire, étrange, et essentiellement réalisée sans médiation des « idées ». Ce qui contredit de façon probante à peu près tout ce qui a pu être dit ou écrit sur la prétendue intellectualisation de son art par le réalisateur. Alors que ses films relèvent avant tout du domaine pulsionnel et sensoriel. Voici donc retracé l’itinéraire d’une vie vouée à l’expérimentation, mêlant souvenirs d’enfance et visions sur l’art ; un livre aussi singulier que les propos de son auteur. Et qu’il serait profitable d’ouvrir à échéances régulières.