Dernières cartouches, ça commence comme un polar terrible, un de ceux qui vous laisse à peine le temps de respirer. Cette excitation qui vient par trois fois rien, en pleine campagne déserte, dans une cavale effrénée, vous entraîne peu à peu dans la ville, et de la ville, en plein cœur de la guérilla politique des années 70, et là, se change en un sentiment de terreur comme on en ressent face à un documentaire, c’est-à-dire face à un documentaire soucieux de représenter objectivement des faits inacceptables. L’écriture de Battisti est précise, effective, comme taillée au scalpel. Et ça en devient presque insupportable. Mais que se passe-t-il de si effrayant ?
C’est simple, ceux qui ont lu Spinoza enc. Hegel de Jean-Bernard Pouy comprendront lorsqu’ils apprendront que c’est à peu près ça sans l’humour. Des jeunes qui n’ont aucune place dans l’Italie du moment, qui meurent et qui tuent pour des idées au sein de groupuscules politiques innombrables et fanatiques.
Ce roman est celui de la dérive d’un jeune homme pris dans une mouvance qui le dépasse, même s’il lui arrive parfois d’avoir l’impression d’en être le maître. Ce qui se joue, c’est un drame intérieur exprimé avec une extrême pudeur. La violence devient le seul mode d’expression permis. Les sentiments les plus simples, dans cet univers de révoltes, d’organisations secrètes, n’ont plus de place. La vie, suivant un cours implacable, s’adapte à une situation de guerre, sur fond de trahisons, de secrets, de braquages de banques au service d’un espoir fou : celui d’accéder à un monde meilleur. Tous les personnages de Dernières cartouches sont animés par une même volonté de changer l’état du monde. Ils vont de meeting en meeting, à la recherche de ce qu’il y a de plus efficace en la matière. Leur désir est brûlant mais ce qu’ils partagent tous, c’est leur mal-être, leur errance dans un pays où ils n’ont pas de place.