Lors de sa venue à Paris, le 5 novembre dernier, pour la promotion de son Journal, Brian Eno s’est retrouvé au Virgin des Champs-Elysées face à soixante-dix ou quatre-vingt personnes ; et seul devant les caméras de Canal + et l’inénarrable Guillaume Durand -en un mot, face au néant. Ce musicien-producteur accompli méritait mieux que ce mince accueil. Et si certains de ses travaux sont restés relativement confidentiels (parmi les meilleurs avec le guitariste Robert Fripp ou Jah Wobble), la productions des albums des Talking Heads, de U2 et de David Bowie -que l’on retrouve abondamment dans ces pages- lui assurent une reconnaissance internationale. Faut-il y voir le destin des hommes de l’ombre ? Ou le décalage qui existe entre la culture populaire anglo-saxonne et notre sacro-sainte idée de la Culture en France ?
Pourtant, ce journal est à la croisée des chemins. Hormis les mentions fréquentes aux éléments -l’eau-, ou à la consommation d’ail -pour une meilleure irrigation du cerveau ?-, tout y est pensé. Brian Eno l’a composé à la manière d’une toile impressionniste, peuplé de rêves étranges, notant au jour le jour ses réflexions sur les gens qui l’entourent, les situations vécues, etc. Le but de sa recherche personnelle étant d’œuvrer pour une alliance du corps et de l’esprit (les pages d’appendices poussant à terme sa réflexion sur des sujets consacrés à Basquiat, l’Ambient ou les CD-Rom), comme pour les deux hémisphères du cerveau (à ce titre, sa détestation de l’exploitation faite des ordinateurs, qui ne font appel qu’à l’un des deux, est bien réelle). Ce qui n’est pas aussi paradoxal que cela pour un homme qui les utilise a plein. Manque cruel de l’Afrique…
Associant, comme il l’a toujours fait, une forme d’art à une autre, il ne lui restait plus qu’à mettre en forme ses pensées. Et à en jouer. Qui mieux que lui pouvait formuler ce qu’est (et ce que représente) la pop culture ?