C’est tout le bla-bla-bla de la matière économique qui finit par asphyxier. Question bête : pourquoi encore aller parler d’un économiste, aussi brillant fût-il, puisque c’est l’économie elle-même qu’il semblerait impossible à maîtriser d’une quelconque façon… L’économie ou la science du climat. Autant dire du vent, ou du calme plat, ou de l’anticyclone, ou de la dépression ou de la grêle ou du soleil. C’est selon. L’économie ne change guère le monde, si elle ne l’endommage pas plutôt sous les coups d’une extraordinaire brutalité. Pourquoi les hommes se font-ils la guerre par le relais « civilisé » de l’économie, et non plus au moyen d’arquebuses, de tromblons, de poix fondue, de boulets de pierre, de frondes ? Rien. Pas de réponse. Parce que c’est plus civilisé. C’est mieux toléré. Il est admis que tout le monde aime l’argent et le recherche, pour la seule raison qu’il le met à l’abri du besoin, donc des autres… Et après ? Vive l’argent ! Que le monde coure à sa perte dans sa folie de consommer et de détruire n’est pas neuf. Ainsi vont la vie et la mort. Plutôt que se tourner vers un prophète de l’économie, on se tournera vers la sagesse. La Cité n’est plus celle de l’Antiquité rêvée. Elle est morte de tous les poisons. Celui de l’argent était bien trouvé. Mais on ne se raccrochera pas au navire qui sombre. Quelques belles civilisations sont tombées, il y a longtemps. On ne pleurera pas la nôtre. Au lieu de gigoter en tous sens, en espérant encore qu’un prophète pourra tirer la chose de la catastrophe, on se contentera de croiser les bras et de regarder ailleurs.

John Maynard Keynes nous est ici présenté sous un jour glorieux. Intelligent, cultivé, aimant la vie, voulant du bien pour tout le monde, rêvant même de la fin de l’économie pour 2030 (pourquoi pas ?), convaincu et convaincant, croyant que la politique servait à quelque chose (réduire les inégalités sociales, par exemple), que tout le monde pouvait avoir sa place, qu’il suffisait d’un peu de bonne volonté collective… Tu parles. Personne ne veut plus de l’Etat, ce monstre froid qui nous vole nos sous pour les redistribuer à tort et à travers, surtout dans la poche du voisin. Le progrès économique, c’est plus d’Etat du tout. Plus de rabat-joie pour nous parler de redistribution ou d’égalité (même relative). Chacun pour soi. Les miracles feront le reste. L’Olympe des dieux se porte à merveille : c’est la Bourse. On peut toujours espérer quelque chose des miettes de leur festin. Les dieux sont imprévisibles ; ils ne sont pas chiens. Ils sont assez déraisonnables, se querellent pour un rien, mais tout finit par s’arranger. La mythologie grecque n’est pas morte. On a simplement divinisé quelques hommes supérieurs, qui ont su s’enrichir et veillent désormais, une poignée, sur le destin de six milliards de mortels. Ca ne dérange personne et ça marche bien. Que ce soit païen et mécréant comme il n’est pas permis est plutôt rigolo. Le XXe siècle aura appris à endurcir les cœurs et les consciences. Le sommet de la civilisation du progrès aura en fait été la préparation à un terrible retour en arrière : le retour à la mythologie et à la barbarie. Quand l’histoire se répète, c’est sous la forme d’une farce sinistre.