Une définition du dandy(sme) ? Barbey lui-même peinerait presque à en esquisser une, pourtant ici tout à son art majeur de la formule. Le mot, d’ailleurs, connait-il un équivalent dans la langue de Voltaire : sans doute non, puisqu' »il restera étranger comme la chose qu’il exprime ». Et notre (auto)biographe d’asséner : « Nul moyen de partager cela avec l’Angleterre. C’est profond comme son génie même. Singerie n’est pas ressemblance (…), le pays de Richelieu de produira pas de Brummell. » CQFD.

Pour comprendre donc ce que fut George Brummell -« rien d’autre que dandy »-, comment il vécut (admirablement, au sens littéral) et comment il mourut (misérablement, mais sur cela, silence, car « quand on meurt de faim (…), on cesse d’être dandy »), on s’en remettra plutôt aux anciens et aux autochtones. Au Nil mirari d’Horace et des stoïciens, que les dandys -l’écrivain Bolingbroke en premier- détournèrent frauduleusement à leur compte : Barbey argue de cela très bien, dans une des notes foisonnantes qui parsèment ce court essai. A ce Buck Brummell, ensuite, dont notre sujet se vit affubler par ses correligionnaires d’Eton : adjectif fulgurant, qui nous dit, mieux que toutes les paraphrases (« arbitre suprême des élégances », « autocrate de l’opinion »), à quoi ressemble ce dandy-là -mais non tout ce qu’il est, et ce à quoi, un siècle et demi après sa mort, on aurait vulgaire tendance à le réduire. Et puis, surtout, à ce « spiritual killer » que discerne Frédéric Schiffter (dans son excellente préface) à travers le dandy, « matador de boudoirs stylé (qui), si prompt par ailleurs à dégainer la lame de l’ironie, jubile à se corseter dans le silence ».

Toutes choses qui valurent à Brummell l’amour, l’assujetissement puis la disgrâce, du prince de Galles, ex-dandy de son état et futur George IV d’Angleterre. Vous saurez enfin, après avoir lu Barbey, comment un dandy prend congé, définitivement, de vous : dans ke cas paroxystique de Brummell, sa fuite fut sans doute son acte d’identité, de revendication, le plus éloquent. Et pour que tout soit dit, vous chercheriez vainement, aujourd’hui, des dandys comme lui : il y en eut autrefois, et qui s’ignorèrent -le duc de Lauzun, par exemple, auquel l’auteur consacre quelques pages magistrales -, il n’en exista plus après. C’est Schiffert qui l’écrit : « Portée au pouvoir par le suffrage universel, la citoyenneté force la personnalité à la vie clandestine et, par là, à la fronde du mépris ». Que sont les dandys devenus ?