Un été en Normandie. Vincent et Manon, jeunes Parisiens, viennent passer le weekend chez les parents de Vincent, dans leur maison du bord de mer. Depuis quelques mois, les choses vont mal entre les amoureux ; Manon reproche à Vincent de travailler trop, de la délaisser, et elle désespère qu’il lui fasse un enfant. Le weekend malgré tout est agréable, grâce à l’hospitalité des parents de Vincent et au décor de la côte en cette saison. C’est alors que débarque Eric, ami des parents, dans une Alfa Romeo Coupé Bertone, modèle 1972. Vincent déteste ce quinquagénaire séduisant. Manon, elle, est sous le charme ; à voir le regard qu’Eric porte sur ses jambes savamment dorées quand elle rentre de la plage, on dirait que c’est réciproque. Aussi Eric et Manon ne disent-ils pas non quand leurs hôtes leur proposent de prolonger leur séjour chez eux, malgré le départ de Vincent qui doit honorer ses rendez-vous à Bruxelles…

On voit d’ici le film qu’on tirerait de ce beau roman d’Arnaud Guillon, le sixième en quinze ans et le premier depuis Hit-Parade en 2007 : un délicieux marivaudage qui, fatalement, tournera au règlement de comptes et au drame, dans une ambiance à la Claude Sautet (à qui il n’est pas fait référence par hasard). Les premiers chapitres sont les meilleurs ; Guillon décrit avec une lenteur calculée le jeu discret de la séduction entre Eric et Manon, sous les yeux naïfs de Vincent et des parents. La suite n’est pas mal non plus, où Guillon complique le scénario en révélant les liens inattendus entre ses personnages, et donne une couleur psychanalytique à l’ensemble. Le style, économe, clair, précis, est excellent, à part peut-être le choix, pas toujours payant, d’alterner passé composé – pour l’action – et passé simple – pour les flashbacks. Tableau de chasse est, en somme, un délicieux roman français classique, presque à la manière de, truffé de clins d’œil et bien rythmé, pour conduire son lecteur jusqu’au dénouement théâtral avec la vivacité d’une Alfa Coupé Bertone.