Angélique Villeneuve n’est pas la première à prendre pour point de départ romanesque une série de photos à partir desquelles son narrateur creuse la mémoire d’un aïeul. Mais en esquivant les poncifs du genre (le coup de la photo retrouvée dans une malle de grenier, le trop-plein de souvenirs et de généalogie), elle parvient à lui rendre de la fraîcheur. Il faut dire que le cliché en question n’a rien du classique portrait de famille : ce roman plonge le lecteur dans un tout autre univers visuel, celui propre au traitement de l’hystérie, époque Charcot. Sombre mais grisant, cet univers happe l’héroïne, une femme qui dès son enfance s’est sentie étrangère dans sa propre famille. Le vertige et l’archéologie intime révèlent alors leur part d’obsessions : sentiment de projection dans l’autre, constante fuite en avant et une fascination pour tout ce qui est végétal, à travers laquelle on reconnaîtra l’une des passions que cultive l’auteur elle-même.