André Blanchard est mort en septembre 2014, à 63 ans. Ce personnage décalé, gardien de galerie d’art à Vesoul, écrivait des carnets qui, publiés, lui ont valu du succès à partir des années 2000. La presse s’est avisée de son existence, le Matricule des anges lui a consacré un beau dossier, un lieu commun est né selon lequel il serait notre Léautaud. Cinq volumes ont paru au Dilettante (quatre, en fait, d’après la rubrique « Du même auteur », Pèlerinages étant classé non parmi les carnets mais parmi les « chroniques »), d’autres chez Erti. Le Reste sans changement, sur les années 2012-2014, est donc le dernier. Rendons hommage à l’écrivain disparu. Mais reconnaissons que cette ultime livraison ne change pas notre regard mitigé sur son œuvre : c’est inégal, souvent banal, parfois plat. Les traits d’esprit sont souvent faibles : « A force de jeter l’argent par les fenêtres, X. finit par suivre le même chemin ». Le style est gâché par la fausse gouaille, les coquetteries, le genre je-ne-me-la-joue-pas, qui produit l’inverse de l’effet souhaité. Chez Blanchard, tout est « sensass ». Les gens sont « cap ». On « blackboule », on est « naze », il y a du « tralala ». Il est « accro à la littérature », il « dézingue », ça « dessoude », ça « dégomme ». On lui pardonnerait ces tics si le fond volait plus haut. Hélas, pour une note intéressante sur Barrès, Balzac, combien de banalités, de colères convenues, de piques émoussées ? Il y a chez Blanchard le charme de la province, mais aussi les inconvénients : idées de seconde main, rien de neuf, on est rarement surpris. On sourit quand, érudit, il relève chez un cuistre une erreur de date, une confusion ; on s’amuse quand il s’énerve contre un contemporain – Charles Juliet, mettons ; mais comme il est plat sur l’école, le pouvoir, le jargon politique ! Sans cesse, il cite Télérama. Cette référence en dit long. André Blanchard, abonné à Télérama, propriétaire d’une belle bibliothèque. Radotait dans des carnets.