Après le recueil Dernières Nouvelles du bourbier, qui obtint un certain écho dans notre pays, voici le second livre du jeune russe Alexandre Ikonnikov à traverser nos frontières. Il parle d’une jeune femme, Lizka, et de son aventure existentielle et amoureuse remplie d’hommes aussi différents qu’un alcoolique menteur, un fonctionnaire du parti, un jeune prolétaire ou un ancien soldat. Le livre peint aussi, derrière son personnage principal, la fresque politico-sociale de la Russie, du communisme à aujourd’hui, ce qui est d’ailleurs sans doute son intérêt principal vu que l’histoire de Lizka, menée selon un rythme alerte et dans une succession rocambolesque de relations amoureuses, reste assez plate : elle tombe sans cesse sous le charme de types décevants qui la laisse accumuler les échecs, échecs toujours dépassés grâce à un enthousiasme bon enfant et au chaleureux soutien de l’amitié. Face au monde cruel, il est bien difficile d’être une jeune femme sincère et naïve, démontre l’auteur avec une sincérité et une naïveté confondantes ; et ce monde se manifeste dans la ribambelle bigarrée des hommes de Lizka, chacun ayant un peu le rôle d’en personnaliser un aspect. Du coup, ils se résument presque à des clichés, sans profondeur ni ambiguïtés, à de pures et simples fonctions narratives apparaissant l’une après l’autre dans la trame, très linéaire, du roman.

Plus intéressant, à la limite, est le background soviétique et post-soviétique des aventures de Lizka, surtout pour le lecteur français. On y explore les différentes strates de la Russie, l’absurdité bureaucratique, la misère collectiviste, l’hypocrisie et le cynisme, mais aussi la solidarité, l’énergie et l’humour face à l’adversité. Les différentes époques politiques se suivent parallèlement aux concubinages successifs de l’héroïne : le communisme et la Perestroïka, la chute du régime et l’ouverture à l’Ouest, la corruption et les guerres internes. Dommage que le roman soit si simpliste, vu l’évident intérêt littéraire et intellectuel que présente l’ex-URSS, marquée par les stigmates du totalitarisme rouge autant que par ceux de l’anarchie capitaliste d’aujourd’hui, où se dévoilent les haines et les corruptions en tous genres. Loufoque et tragique, grotesque et atroce : ainsi apparaît l’histoire récente de cet immense pays à la frontière de l’Orient et de l’Occident, dont on peut au passage espérer que son statut d’invitée au prochain Salon du livre démontrera la vitalité de la littérature. Reste que ce Lizka et ses hommes, sous ses allures de conte vaguement drôle à la morale pataude, il semble ne prétendre à rien d’autre qu’à offrir une littérature ultra-light assez puérile et sans grand intérêt, quoique correctement réalisée selon ses critères.