Il y a certains jeux qui nous donnent du fil à retordre. Du genre à chercher par tous les moyens à se faire aimer malgré leurs faiblesses, en créant par exemple un environnement graphique séduisant, une ambiance immersive et en soignant aux petits oignons la maniabilité. Yager fait partie de cette catégorie. Shoot 3D dans la lignée des Colony wars, Starlancer et autres Rogue leader, le jeu de THQ, en dépit de sa bonne volonté, peine à nous convaincre que l’on puisse retrouver les mêmes montées d’adrénaline au sein d’une aire de jeu totalement libre que sur les rails d’une trajectoire prédéfinie. On ne sait pas si le genre est juste voué à l’échec où si les game-designers actuels n’ont pas encore trouvé la bonne solution. Ce qui est sûr, c’est que Yager souffre des mêmes défauts que son homologue Rogue leader sur GameCube : problèmes d’orientation, gameplay un peu mou, sensations de vitesse inexistantes. Il n’y a même pas la license Star wars en guise de background pour satisfaire les fanboys de Georges Lucas…

Ceci dit, comme on a déjà détruit l’Etoile Noire une bonne dizaine de fois dans notre vie de gamer, on ne va pas forcément s’en plaindre. Yager propose, du moins dans ses premiers niveaux, une belle ambiance tropicale et maritime -c’est à la mode en ce moment-, entre Caraïbes et mers de Chines futuristes, appuyée par une sombre histoire de pirates et de conflits diplomatiques. Et même si on retombe très vite dans les travers de la SF apocalyptique avec des décors qui deviennent plus sombres, plus industriels, il faut bien admettre que Yager est plutôt bien travaillé de ce point de vue là, bénéficiant d’un joli moteur à peine troublé par quelques ralentissements lors de mitraillages trop intenses. Même fignolage artisanal au niveau du gameplay : c’est du dog fight pur et dur, mais agrémenté de quelques idées impliquant un minimum vital de variation au sein d’un jeu qui pourrait très vite devenir un peu trop systématique et répétitif. Le fait de pouvoir switcher à n’importe quel moment entre deux modes de pilotage par exemple -entre pseudo-hélico et avion de chasse- permet au joueur de mener une véritable réflexion entre bourrinage intense et quasi-furtivité. Sans parler des phases de tir à la DCA, pas bien passionnantes, mais qui viennent briser un peu la monotonie de missions un tantinet similaires dans leur architecture.

Le problème, c’est que malgré tout le travail des concepteurs pour peaufiner leur bébé, on ne sent jamais porté par l’intensité des affrontements. Le vaisseau est terriblement lent, quel que soit le mode de pilotage, et les objectifs manquent parfois de clarté ce qui oblige à tourner en rond pendant des heures au-dessus de contrées de plus en plus désertiques. C’est d’autant plus pénible qu’à partir du sixième niveau, le jeu devient plutôt difficile. Plus abordable qu’un Rogue leader, moins frustrant aussi, le challenge se corse (un peu trop) brusquement et de façon drastique dès qu’on quitte les plages ensoleillées du début pour des régions nettement plus glauques. Il faudra donc, plus que de raison, recommencer jusqu’à plus soif certaines phases souvent mollassones, ce qui devrait décourager plus d’un casual gamer. Ca n’est pas un défaut en soi, mais encore faut-il que le gameplay soit suffisamment piquant pour ne pas transformer les die-and-retry successifs en véritables calvaires…

D’un autre côté, on ne peut pas nier que Yager possède une certaine prestance, voire une indiscutable majesté. Son côté zen lui donne au moins un minimum de consistance, malgré ses carences esthétiques propres aux jeux occidentaux. Malheureusement, pour un shoot, ça vire rapidement au handicap, à moins de s’appeler Sega et de réussir la fusion parfaite entre contemplation arty et furie ludique (cf. Panzer dragoon Orta). Faute de mieux sur la machine, et parce qu’il y a énormément de bonnes intentions derrière, on conseillera donc Yager du bout de lèvres à ceux qui sont maladivement en manque de dog fights… En attendant le titre qui saura révolutionner le genre et lui donner toute l’énergie dont il a besoin pour se rapprocher de la frénésie de l’arcade pure et dure.