Un jeu de stratégie, c’est d’abord une question d’échelle. Echelle de temps, du tour par tour faisant passer le vertige de décennies entières, au temps réel plus rapide et urgent. Echelle d’espace aussi, de l’unité déployée à la vision de territoires entiers à conquérir. En cela, la grandeur de la série des Total War tient d’une ambition : celle de tout couvrir à la fois, fonder un empire entier en déployant une stratégie au tour par tour à la Civilization, tout en restant présent sur les champs de batailles, où tout se joue à quelques détails près. La série de Creative Assembly a toujours étendu ce principe, aidée par la puissance grandissante des machines, si bien que Total War : Rome II, dernier épisode de la série après le très réussi Shogun Total War 2 se révèle d’une variété démentielle, entre batailles terrestres et marines, tout en affichant une quantité démesurée de détails et d’unités.

 

Mais dans cet accroissement de moyens que connaît la série depuis ses débuts il y a quinze ans, il faut toutefois noter un glissement : le jeu n’est désormais pas tant meilleur en soi, que dans tout ce qui pourrait donner un peu de réalisme et d’émotion à ce descendant du jeu plateau. C’était déjà l’idée de R.U.S.E, autre STR quasiment transformé en jeu d’action par ses changements d’échelles. C’est aussi celle de TWR II qui, en installant une caméra au coeur de la bataille, permet de suivre les unités au plus près en renforçant l’immersion. Un souci de mise en scène séduisant et permettant bel et bien de donner plus de vie au genre, mais qui prend aussi le risque de diluer le point de vue du stratège ; d’autant que le cadre et le nombre d’unités rendent plus brouillonne la maîtrise du joueur sur son armée.

 

C’est finalement par cet excès de générosité que le jeu déçoit. Trop d’unités, de factions et d’aspects à gérer finissent par briser la rythmique et l’équilibre de la série pour céder au spectacle. De ses complications inutiles, le jeu est sans doute conscient, tentant de mettre en œuvre une interface simplifiée, mais qui au final débouche sur une gestion encore plus lente et confuse. Boursouflé et obèse, TWR II finit ainsi par souligner l’impasse devant laquelle la politique d’extension continue de la série l’a menée. A défaut de pouvoir faire demi-tour, il faudra à l’avenir penser sérieusement à changer de stratégie.