Suite et fin de l’épisode additionnel de The Evil Within consacré à son personnage féminin, Juli Kidman. Après une première partie étourdissante de maitrise et poussant le survival vers sa voie la plus épurée, Shinji Mikami et son poulain, l’américain John Johanas (propulsé aux manettes de ce DLC alors qu’on cherche encore son CV), enfoncent le clou. Glissons sur les mécaniques, reprenant celles du premier épisode au risque d’une légère redondance (même parties de cache-cache avec des ennemis identiques), que le jeu arrive toutefois à esquiver en cours de route, lorsqu’on troque enfin la lampe torche pour les armes. La réussite du titre tient finalement moins là, on s’en doutait déjà lors du premier épisode, que dans sa mise en scène. Monument d’orfèvrerie qui ne semble n’avoir plus aucune limite créative.

The Consequence pousse d’un cran encore la construction en poupées gigognes de The Evil Within. Il radicalise toujours plus cette progression faite d’espaces enchevêtrés dans lesquels le personnage se perd comme dans un dédale mnésique où Alain Resnais croiserait Tobe Hooper. Jamais un jeu, rarement un film, n’a su représenter et faire vivre de manière aussi vertigineuse, stylisée et jusqu’au boutiste un tel tourbillon psychédélique et horrifique. Le travail sur la photo et les couleurs, à l’origine déjà d’une sophistication inédite, en devient époustouflant et a de quoi rendre fou de jalousie les meilleurs chefs opérateurs du monde (certaines scènes osent désormais l’opacité totale, d’autres le monochrome granuleux et quasi arty). Tout le jeu plonge le joueur dans un monde de pénombres à la profondeur de champ vacillante. Il le perd dans espace parsemé de couloirs ouvrant sans cesse vers d’autres dimensions, comme si cette portion du jeu n’était qu’une course en avant dans un espace mouvant et toujours incertain.

Ce que Mikami avait mis en place est ainsi répété, modulé et martelé dans un déroulé ininterrompu de trois heures qui condense et renforce la structure et l’esthétique du jeu initial. Si le déroulement est linéaire et délaisse l’exploration au profit d’une plongée atmosphérique délirante et continue, la découverte se fait encore une fois comme dans un gigantesque puzzle, où l’on replace une par une les pièces manquantes du récit. Porté par un final décuplant le niveau d’abstraction du jeu dans une scène projetant la figure du labyrinthe au sein d’un décor hallucinant, le jeu s’achève en confirmant ce qu’on savait déjà : The Evil Within est un chef d’oeuvre à classer aux côtés de Massacre à la tronçonneuse, Suspiria ou Shining. Il est à la fois fois un monument de jeu d’auteur, et de maniérisme. En tout cas la preuve qu’on peut définitivement compter désormais sur Tango Gameworks.