Le destin implacable des productions ludiques, en marge des JO, a tout de la tragédie antique. Les victimes sont désignées dès la présentation de l’intrigue, et elles auront beau chercher des systèmes révolutionnaires pour élever l’intérêt d’une simulation sportive, la tâche s’avère ardue, la fin connue d’avance. Après Carl Lewis Athletics 2000, c’est au tour d’Eidos de défier les dieux du stade et d’offrir en sacrifice la version officielle des derniers JO du millénaire. Force est de constater que malheureusement le tragique est toujours d’actualité.

Dans un espace confiné, un être hybride et diaphane joue à l’athlète. Ses muscles joliment modélisés se contractent et se détendent dans des effets de transparence bleu électrique des plus réussis. Loin du sable, talc et huile d’olive première pression, une pureté lumineuse entoure d’un halo gracieux le futur champion et l’encourage à fournir quelques efforts éthérés en vue d’une victoire certaine. Le joueur n’a plus qu’à effleurer les touches en parfaite harmonie avec les beats technoïdes hachés pour gagner les quelques points qui vont lui permettre de compléter la formation de son poulain. Lever des dizaines de kilos de fonte, sprinter ou ajuster sa précision se déroulent dans une ambiance bon enfant, digne des plus grandes salles de remise en forme. Seuls manquent l’éternel écran LCD, les dernières news Bloomberg défilant et les bornes d’accès à Internet haut débit.

Finalement, la pédagogie progressiste poussée à son extrême enlève les derniers charmes d’un type de jeu en voie de disparition. Les valeurs de travail et de labeur étouffent radicalement le plaisir de la course olympique, qui n’est plus que le résultat d’un entraînement à peine intensif et non le moment d’une rencontre sportive hautement émotionnelle. La jouabilité est certes accrue comme jamais elle ne le fut auparavant, mais à trop vouloir faciliter l’ergonomie, Sydney 2000 enlève toute rage de vaincre. Appuyer comme un forcené aura la même conséquence qu’un toucher de joypad rapide et succinct tant que les sacro-saintes étapes de l’entraînement n’auront pas été franchies.
Si un tel défaut est déjà difficilement excusable dans un mode solo, il est catastrophique dans le mode Versus. Les adversaires ne sont certes pas contraints à s’entraîner chacun dans son coin. La gestion des performances utilise toutefois une sauvegarde extraite du mode solo. Autrement dit, la confrontation risque de manquer singulièrement d’intérêt si la lourde formation n’a pas été achevée dans les temps.

La réalisation globale a aussi de nombreux défauts. Des graphismes criards et insupportables alliés aux commentaires répétitifs et lassants d’un Pierre Sled en petite forme pour désintégrer, si besoin était, les derniers scrupules du joueur. Sans le vouloir, Sydney 2000 se rapproche parfois des expérimentations contemporaines dans le domaine du design. La vue de dessus de l’épreuve de natation suggère les recherches en cinétisme et en cubisme, tant les grilles des carreaux sont d’une régularité exemplaire. Seul le tir au fusil réussit à égayer ces multiples épreuves plus policées les unes que les autres : dans un mouvement coulé longuement travaillé à l’entraînement, armer le fusil, se retourner vers le commentateur et embrayer sur un doom-like jubilatoire et cathartique.