Une longue absence, un rendez-vous manqué avec le lancement de la console, Mario avait intérêt à assurer pour son retour en fanfare. Après un Mario 64 mythique, auréolé de son passage à la 3D propice aux innovations, tout le monde attendait au tournant le petit plombier moustachu à la voix de castrat. C’est d’emblée un peu injuste puisqu’on ne laissera rien passer à Mario. Pas le moindre petit défaut, pas le moindre écart de conduite. La malédiction de Mario, c’est que chaque nouvel épisode se doit être le meilleur de la série. Ce qui au bout de 22 ans de carrière devient forcément plus difficile. Mario paye le même tribut que toutes les licences prestigieuses qui passent le cap des 128 bits : qu’espérer de plus qu’un simple lifting puisque le gros du travail d’innovation a été fait avec la génération de consoles précédente ?

Donc, Super Mario sunshine (SMS) n’est pas le meilleur épisode de la série. Mieux vaut évacuer le doute tout de suite. Moins « hénaurme » que Super Mario world sur SNES, moins innovant que Mario 64. Quelques petites imperfections au niveau du gameplay -une caméra parfois rétive- et une légère déception graphique au premier abord. Pourtant, malgré son âge avancé, Mario parvient encore à apporter un grand vent de fraîcheur dans un monde vidéoludique bien terne. L’atmosphère ensoleillée et colorée du titre, son gameplay qui ne vous lâche plus une fois le pad en main font oublier un premier contact un peu flou et décevant.

Ambiance de vacances pour ce SMS donc. Vacances contrariées puisque Mario, victime d’une injustice, se voit contraint de nettoyer les cochonneries faites par un clone maléfique. Equipé de son « J.E.T. », la pauvre mascotte de Nintendo va devoir se familiariser avec toutes les possibilités offertes par la fabuleuse machine : arrosoir, turbo, propulseur, jetpack. Liquides et soleil sont donc les deux mamelles de ce SMS. Ce sont les deux domaines où le jeu brille le plus. Image volontairement surexposée qui fait pardonner des textures parfois trop minimalistes, effet de chaleur -un flou brouillant les arrière-plans- qui minimise le clipping et surtout modélisation à tomber des fluides -mer, boue, mazout, etc. Entre hystérie visuelle assumée jusqu’au mauvais goût et les saveurs tropicales qui se dégagent de tous les décors, Mario a pris quelques risques esthétiques pour se donner un coup de jeune. On n’est pas obligé d’adhérer -c’est parfois limite- mais la cohérence et l’originalité du jeu sont indéniables.

Niveau gameplay, c’est l’extase. Une richesse rarement atteinte dans le genre plates-formes… Malgré le faible nombre de niveaux, le jeu semble se renouveler petit à petit, à chaque fois que Mario découvre ces fameux « shines » qui débloquent au fur et à mesure objets et nouveaux décors. Il y en a 120 à découvrir -même si une soixantaine suffit à boucler le jeu jusqu’au boss final- et le moins que l’on puisse dire, c’est que ça ne va pas être une partie de plaisir. En effet, Shigeru Miyamoto a franchement corsé le challenge, parfois jusqu’à l’absurde. Il faudra souvent une grosse dose de patience et d’abnégation pour venir à bout de certaines phases du jeu. Les stages de plates-formes pures notamment, au cours desquelles vous êtes le plus souvent privé de votre J.E.T., et qui demandent une précision de folie au niveau des sauts. L’optique est clairement orientée hardcore-gamer, à tel point qu’on se demande si SMS ne s’adresse pas aux vétérans de la plate-forme plutôt qu’aux enfants qui risquent fort de péter un câble devant l’atroce difficulté de certains passages. Pour les complétistes qui voudraient récupérer tous les shines, la tâche risque donc d’être ardue, et longue, très longue… Plutôt une bonne nouvelle.

Quoiqu’il en soit, Mario frappe une fois de plus très fort. Une telle profondeur, une telle variété, de la plate-forme pure et dure à la résolution d’énigmes, rendent le jeu terriblement addictif. On peut pinailler, jouer les amoureux déçus et réacs, mais le moindre petit niveau de SMS contient plus d’invention que n’importe quelle licence fraîchement éclose. Mario est une véritable drogue vidéoludique. Peut-être la seule de l’année sur console…