Tandis que les développeurs n’imaginent plus concevoir des jeux action / aventure sans l’inévitable lot de cinématiques, les jeux à licence semblent prendre le chemin inverse. Douce ironie ! Les adaptations se recentrent sur le gameplay et puisent dans leurs origines les matériaux bruts nécessaires à son élaboration. Un affranchissement qui flirte avec la trahison des intentions marketing (prolonger le plaisir du film ou renforcer l’actualité d’une licence) pour prêter allégeance à la spécificité même du média vidéoludique. A l’image de son héros, Peter Parker, Spider-man 2, le jeu, retrouve la fougue BD de sa tumultueuse jeunesse et mène la double vie.

Le jour, Spider-man 2 le jeu-du-film est là pour nous mettre dans la peau de l’araignée-Parker, toujours à la bourre dès lors qu’il s’agît de sa petite vie de jeune homme sexué / amoureux, d’apprenti photographe sous-payé et de justicier confronté au docteur Ock. En quelques courtes cut-scenes parfaitement doublées avec les voix françaises, le spectateur / joueur retrouve le sombre blues qui résonne encore des trois-quarts de l’excellent film de Sam Raimi. Mieux, ses allers-et-retours à Manhattan se voient ponctués par les interpellations tantôt familières (« Eh ! Tisseur ! Quelle forme! »), tantôt vindicatives (« Trouves toi un vrai boulot ! ») des passants, fidèle illustration de la position tant humiliante qu’incomprise d’un jeune homme qui tisse son moi. Inquiet, on s’attendait à plus, mais le cahier des charges des exécutifs d’Hollywood est rempli, pour ce qui est des « passages obligés » liant le film au jeu.

Tant mieux. Car nul besoin de retourner de fond en comble la matrice pour imaginer le massacre auquel aurait donné lieu l’habituelle succession de phases d’action au gameplay aussi fugace qu’indigeste. Nos mémoires de gamers débordent de souvenir de jeu à licence foirés suivant ce modèle. On ne peut donc pas parler de génie créatif au sujet du gameplay de Spider-man 2, tant il s’inspire de GTA 3, mais on ne peut que saluer le choix de l’inspiration. Le système de missions ouvertes permet de parcourir un Manhattan étonnement bien reconstitué et vaste pour y débusquer le félon toujours à l’affût du mauvais coup. Et au joueur de retrouver ses sensations d’enfances, les mêmes qui lui faisaient passer des heures dans sa chambre avec des figurines Mattel et ses étagères improvisées en gratte-ciels. Les enfants ont bien grandi, et la répétitivité des différentes missions de base, dont seule varie la géographie, pourra en énerver plus d’un à la longue. Mais elles constituent le baroud d’honneur vers des rencontres qui ne manqueront pas de tirer les larmes aux inconditionnels de l’araignée en collants. Mysterio, Rhino, la Chatte Noire, des affrontement de choix comme autant de récompenses pour avoir répondu présent jusqu’aux missions les moins gratifiantes. Le rôle de tous ces super-vilains surnuméraires ? Cracher encore dans la soupe du film pour rendre à Spidey son goût d’antan. Encore une trahison qui transpire le bon sens et le respect du fan… et le genre d’initiative qui laisse apparaître un avenir radieux au genre, autrefois maudit, de l’adaptation vidéoludique. Le monde du cinéma a toujours vu dans le jeu vidéo, au mieux, un objet de promotion utile. Au pire : un concurrent à la forme étrangère qu’il fallait parasiter. Spider-man 2, le jeu, fait partie de ces licences encore fragiles mais affranchies de leur fonction d’origine, car regardant plus haut dans son auguste généalogie afin d’en tirer l’essence nécessaire pour en faire un jeu autonome, libre. Bonne nouvelle : Spider-man 2 ne retombe jamais dans le piège cinématique du 7e Art, ce grand frère envieux et cannibale.