A première vue, Second sight est ce qu’on pourrait appeler un jeu de « routine ». Le genre à vous donner envie de changer de boulot pour devenir comptable. Franchement, combien de jeux d’infiltration a-t-on vu défiler cette année sous nos rétines usées par overdose d’écrans ? Des dizaines ? Des centaines ? Des milliers ?… On a arrêté de compter, on préfère exagérer et cabotiner. Et puis qu’est-ce que c’est que cette nouvelle mode de la parapsychologie ? Psy-Ops, Geist : pas de doute, les développeurs feignasses ont trouvé un nouveau filon… Sans parler du look familier du héros, crâne rasé et gueule cassée, et des environnements glaçants d’une froideur toute médicale et sibérienne. C’était bien la peine de s’emmerder à finir Hitman : Contracts…

On va se calmer, prendre une douche froide : Second sight a été développé par Free Radical, un studio spécialisé dans les jeux qui ne payent pas de mine au premier abord (TimeSplitters) mais qui se révèlent à l’usage souvent plus intéressants qu’ils n’en ont l’air. Posons les bases… Level-1 : John Vattic, le héros du jeu, se réveille au beau milieu d’un centre hospitalier, avec un putain de mal de crâne. Rasé, épilé, bandé, notre momie-bondage se découvre rapidement un don pour la télékinésie, la métempsycose et d’autres talents qu’on ne saurait nommer sans l’aide d’un dictionnaire. Même armés jusqu’aux dents, les vigiles qui tentent vainement d’empêcher son évasion ne font pas le poids. Vattic est désormais un surhomme, si l’on était plus cultivé, on se taperait bien un trip sur Nietzsche, le philosophe préféré de JeuxVideo.com.

Flashback : éclairé par l’iridescence glauque d’un écran d’ordinateur, Vattic se souvient… Level-2 : une base militaire américaine lambda, c’est l’heure du tutorial. A l’époque, Vattic n’est pas encore le X-man chauve que nous avons croisé dans les couloirs du centre médical. C’est un bon nerd, coupe en brosse de cadre sup’, lunettes à la Beigbeider, Austin Powers sans le « mojo », recruté par l’armée pour participer à une sombre opération visant un savant fou réfugié en Sibérie. Vattic s’entraîne pour devenir un Sam Fisher convenable : parties de cache-cache entre G.I.’s, séances de tir aux pigeons, art du sniping. Classique. Et sidérant : l’impression de puissance que l’on ressentait lorsque l’on manipulait les objets et les esprits par la force de la pensée a complètement disparu… On est armé comme un char d’assaut et on se sent tout nu.

Free Radical a construit Second sight comme une disserte de lycéen. Thèse / antithèse. On nous prive de nos pouvoirs pour bien nous montrer à quel point ils influent sur notre manière d’aborder le jeu. C’est la démonstration de la toute supériorité du gameplay de Second sight par son exact opposé… en deux petits niveaux. Reste la Synthèse, la fusion des contraires, en gros le reste du jeu, moins les flashbacks-piqûres de rappel. Vattic devient de plus en plus puissant, de plus en plus surhomme, et manie les armes à feu comme les barbouzes du niveau 2 le lui ont appris, Second sight redevient peu à peu le produit routinier auquel on s’attendait, rarement pris en défaut, tantôt fascinant -l’évasion d’un asile de fous en compagnie d’une schizophrène-, tantôt pépère. Entre temps, il nous aura bien blousé.