Il y a chez Capcom une obstination si ahurissante à multi-cloner ses propres créations qu’on se demande si leur démarche ne flirterait pas avec l’Art contemporain : refaire perpétuellement le même jeu, ou presque, parce qu’il y a tout de même de subtiles variations, parfois, qui permettent d’éviter la confusion entre des épisodes quasi-jumeaux d’une même série. Pour Resident evil, on connaît la méthode : à chaque épisode, l’éditeur apporte quelques légères innovations dont la plupart ne réapparaîtra pas dans les opus suivants. Pourquoi ? Mystère… C’est un concept comme un autre, c’est d’ailleurs presque admirable de psycho-rigidité. En attendant une véritable révolution avec l’épisode 4 -en 3D temps réel, cette fois… comme Code Veronica soit dit en passant-, un préquel qui mijotait déjà dans les cuisines de Capcom à l’époque de la N64, numéroté « zéro barré » -très chic-, fait donc son apparition quelques mois après Rebirth, le remake sur GameCube de l’opus séminal. Un remake qui liftait somptueusement l’original mais sans dépoussiérer en profondeur les bases de la série. A l’époque, l’expérience nous avait paru presque intéressante ; avec le recul, elle nous semble finalement dispensable, futile, pire, pénalisante pour ce nouvel opus-prequel. Le choc esthétique s’en trouve forcément amoindri, et une fois de plus on constate la disparition des quelques bonnes idées du Rebirth -les crimson heads, les objets de défense. Comme d’habitude, il y a bien deux ou trois nouvelles initiatives pas dénuées d’intérêt en guise de maigre justification. La disparition des coffres, d’abord : on peut désormais déposer ses objets un peu partout. Ca provoque souvent un beau bordel mais ça a au moins l’avantage d’être plus crédible que ces immenses malles inexplicablement reliées entre elles. Ensuite, il y a le « partner zapping » : incarner, à tour de rôles -ou en même temps pour les dichotomiques du pad-, deux personnages complémentaires, la fliquette Rebecca et le truand Billy, change indéniablement la donne et modifie substantiellement le gameplay. Le revers de la médaille, c’est que le système met à mal l’indispensable sensation de solitude qui doit se dégager de tout survival qui se respecte. Resident evil ne glace plus le sang, à peine fait-il sursauter, pour autant qu’on monte le son de la télé au maximum. Pour le trauma, il faudra repasser ou s’essayer à Silent Hill 2 & 3

De plus, insinuer la peur avec des situations vues et revues n’est évidemment pas une tâche facile. Resident evil ø démarre plutôt bien, avec un court passage dans un train infesté de bestioles virussées… Malheureusement on n’attend pas bien longtemps avant de se retrouver au coeur d’environnements nettement plus familiers. Un manoir, évidemment, qui évoque immanquablement celui de Rebirth, et dans lequel il va falloir se farcir des énigmes peu crédibles dans un contexte « thriller high-tech »… Toujours ces allers-retours incessants, toujours cet inventaire tellement bridé qu’on se demande parfois si les deux héros ne souffrent pas de rachitisme. Toujours cette ambiance apocalyptique-rococo-petit-bourgeois, enfin, qui fait peine à voir après la ville putréfiée de Silent Hill 2 ou le manoir nippon délabré de Project zero. Resident evil fonctionne désormais comme un fan-service perpétuel, multiplie les mêmes clins d’oeil, jusqu’à la nausée. Le système peut marcher sur les accros de la première heure, ceux qui se complaisent dans le confort du conservatisme, ou, plus compréhensible, sur ceux qui ont découvert la série sur GameCube. Sur nous, le charme n’agit plus. Ne restent que la lassitude, l’ennui et le très mince espoir que le prochain Resident se décide enfin à oublier ces gimmicks qui sentent le renfermé.