L’ultra-libéralisme a au moins un avantage : celui d’avoir fourni au cinéma -et par extension aux jeux vidéo-, toute une batterie de super-vilains les plus ignobles les uns que les autres. Que serait Resident evil sans cette effroyable nemesis, la tentaculaire société Umbrella, entreprise cynique qui n’a pas hésité à empoisonner / zombifier la population de la petite ville américaine de Raccoon City ? La méga-corporation comme boss de fin de niveau ultime, âpre au gain, avide de pouvoir, inattaquable, invulnérable. Ratchet & Clank 2 semble à première vue prendre le contre-point de ce cliché persistant : le PDG de la holding interplanétaire Megacorp est un sympathique pépé bafouillant ; le terroriste qui le menace est un pantin ridicule, maladroit, débitant au kilomètre d’improbables perles alter-mondialistes ultra-convenues.

Evidemment, cette audace un brin politiquement incorrecte ne fait pas long feu. Le papi cache bien son jeu, c’est un gros salaud. Quant au terroriste masqué, c’est en fait une très accorte jeune femme préoccupée par l’avenir de l’univers. Une fausse audace à l’image d’un jeu qui ne prend lui aussi aucun véritable risque. Ratchet & Clank (lire notre chronique du premier opus) a toujours vécu dans l’ombre du grand frère plate-formesque Jak & Daxter de Naughty Dog… En partie parce qu’il utilisait le même moteur 3D, quasiment la même esthétique cartoonesque. C’était un jeu « déjà-vu » dès sa sortie. On pourrait presque dire « déjà-joué », s’il n’avait pas déployé des trésors d’inventivité pour armer ses deux héros de gadgets tous plus invraisemblables les uns que les autres. Depuis, les développeurs de Naughty Dog, un poil opportunistes, ont été voir ailleurs, pour pondre un Jak II louchant dangereusement du côté du GTA-like, plus mature, moins pur et donc au bilan plus mitigé.

Champs libre pour Ratchet & Clank 2, le grand frère est allé naviguer sur d’autres mers : une occasion en or pour ne rien changer. Insomniac Games persiste et signe donc un pur jeu de plates-formes, à quelques concessions près -un gameplay un peu plus axé beat’em-all et à la difficulté accrue. On conserve cet univers space opera classique dans sa déviance parodique, le duo de mascottes habituel -une sorte de mogwai caustique et un petit robot au flegme très british-, moyennement charismatique mais assez sympathique pour emporter l’adhésion. Et un arsenal de gadgets enrichi. Ratchet & Clank 2 est un sequel / add-on petit-épargnant qui capitalise sur les qualités de son modèle et de son prédécesseur… et en tire des bénéfices. C’est injuste, mais la création d’Insomniac Games remporte finalement la palme du meilleur jeu de plates-formes du moment au nez et à la barbe de Jak II, trop ambitieux pour être honnête. Malgré quelques problèmes de caméra et quelques bugs épars, Ratchet & Clank 2 n’a pas grand chose à se reprocher : maniable, addictif, varié, toujours aussi agréable à regarder malgré l’obsolescence de son moteur. Ca n’est pas le chef-d’oeuvre du siècle, c’est sûr… Juste un produit, un très bon produit.