Racing evoluzione c’est un peu l’histoire de David qui n’aurait pas osé se farcir Goliath et qui tenterait maladroitement de se justifier par voies de presse. Les développeurs Milestone l’ont crié sur tous les toits, ils n’ont pas voulu faire un Gran turismo-like, pas question de se frotter à la carrosserie du monstre de Polyphony Digital, sous peine de souffrir atrocement la comparaison. Malheureusement, on est bien trop pervers pour ne pas la faire, la comparaison… Avec GT3, mais aussi avec Metropolis street racer / Project Gotham racing, et quelques autres dignes représentants du jeu de bagnoles sur console. Parce qu’à moins de s’infliger une auto-amnésie partielle et d’oublier le pilotage semi-simu de GT3, la conduite toute en dérapage de Project Gotham racing, la maniabilité pointue de Ferrari 355 challenge ou l’arcade pure d’un Ridge racer, Need for speed ou Burnout, difficile de ne pas être décontenancé par le gameplay de Racing evoluzione. Un pilotage minimal, sans finesse voire brutal, pas de sensations d’adhérence ou d’accélération réelles, peu de différences de moteur physique entre les véhicules. La jouabilité paraît brouillonne, parfois illogique, ni simu pour amateurs de sports mécaniques, ni vraiment arcade au sens strict du terme. Pour apprécier le jeu de Milestone, il va falloir omettre tout ce qu’on a expérimenté jusque là, et accepter de voir son bolide ralentir excessivement lorsqu’on roule sur les bas-côtés, ou de se battre contre six adversaires pugnaces mais regroupés au sein d’un peloton têtes-à-culs pendant toute la durée de la course. Grace à des tracés bien pensés et une IA adverse agressive à défaut d’être subtile, on ne peut pas vraiment dire qu’on s’ennuie, bien au contraire. Mais peut-on supporter longtemps un axe vidéoludique aussi incohérent et irréaliste ?

Soyons francs, avec un peu d’abnégation, c’est envisageable. Racing evoluzione a quelques qualités dont une, et pas des moindres, est de parvenir à se racheter par ses graphismes. Evidemment, on devrait pas se laisse embobiner par l’épate, mais après tout c’est le seul domaine où le jeu tient ses promesses : pas un seul circuit qui flirte avec la médiocrité. La moindre parcelle de route, même la plus anodine, regorge de détails, d’animations et, chose assez rare dans le genre, de couleurs tellement pétantes et chatoyantes qu’on croirait presque se retrouver devant un jeu Sega. Ici règne une éternelle atmosphère ensoleillée, même en pleine montagne neigeuse, ce qui confère au titre une ambiance agréable qui fait passer la pilule amère d’une maniabilité plus que discutable. On pourra reprocher à Milestone de ne pas avoir poussé le concept de la poudre-aux-yeux dans ses derniers retranchements -basse résolution et absence de mode 16/9e- et surtout d’avoir sacrifié une partie du gameplay pour afficher tous ces magnifiques polygones -des sensations de vitesse tout juste honnêtes et la suppression quasi-scandaleuse du rétroviseur. Mais Racing evoluzione a d’autres atouts pour se faire pardonner, notamment son mode carrière, avantageusement baptisé « Dream mode », qui propose de bâtir sa propre marque de voitures, des débuts modestes dans un garage pouilleux aux sommets financiers d’une multinationale automobile. Comme un parfum de simili-RPG dans lequel on discuterait entre les courses avec un mécanicien complètement crétin, une secrétaire allumeuse, ou une responsable marketing limite goudou… Le principe est forcément addictif, même si la progression est totalement scriptée et que la gestion de la marque se limite à la création de nouveaux concepts cars pré-établis.

Toute cette cuisine qui n’ose ni assumer son aspect arcade immédiat, ni se frotter aux ténors du jeu de courses progressif, n’empêche pas Racing evoluzione d’être un jeu sympathique qu’on se prendrait presque à aimer pour les embryons de bonnes idées qui relèvent un peu un gameplay manquant de finition. Dommage que Milestone n’ait pas eu plus d’ambition pour faire de son titre une référence incontestable du genre.