Jean Eustache croyait à la supériorité de la copie sur l’original. Il le faisait dire à Jean-Pierre Léaud dans La maman et la putain, le filmait dans Une sale histoire. Mais en quoi serait-elle meilleure ? La copie exprime la vérité de l’original. Elle ne le clone pas mais le rend plus vrai que nature ; au point de pouvoir le remplacer, tel le sosie de Belmondo évoqué au détour d’un dialogue de La Maman et la putain. Comme l’imposture n’est pas un masque qui cacherait une véritable identité, ce que l’on dissimule derrière la surface de l’autre est à la fois son expression et l’image de notre volonté affichée. Plus encore, si la copie dévoile et montre la vérité de l’original, elle le démultiplie aussi potentiellement comme un Gremlins plongé dans une piscine olympique. Mais, finalement, est-elle toujours meilleure ? Quantum theory ferait sans doute un peu démentir Eustache. Sans scrupules et à l’ère du matraquage sur la propriété intellectuelle, le jeu de Tecmo ne cache pas son ambition : vampiriser Gears of war en pompant allégrement la formule qui a fait sa gloire. Quantum theory est donc un TPS bourrin avec des figures badass projetées dans un monde sub-apocalyptique infesté d’aliens belliqueux. Système désormais légendaire de couverture, jeu en équipe, punchlines au fil de l’action, physique alourdie des personnages musculeux, tout y est, tout ce que Epic a proposé se retrouve là photocopié, avec juste une nouveauté (quelques passages en binôme) histoire de donner le change.

Dans le monde du jeu vidéo, les copies sont légion. Trop peu de concepts originaux, voler est devenu une règle, parfois pour le meilleur (personne ne se plaindra qu’Uncharted ait aussi emprunté son gameplay à Gears of war). Mais que se passe-t-il lorsque la copie tutoie de trop près l’original ? Dans le cas de Quantum theory, titre souffrant de moyens largement en deçà de ceux d’Epic, la comparaison semble si forte et le résultat si faible que Tecmo ne tient pas longtemps devant son modèle : level design répétitif et peu inspiré, couvertures aléatoires qui parfois ne protègent pas des balles, mise en scène quasi inexistante, difficile dans ces conditions de trouver un argument dans lequel s’engouffrer. On aimerait trouver quelque chose à sauver dans son univers futuristico-baroque fantastique, mais il faut être honnête, c’est moche, voire assez déprimant sur la durée. Pourtant le jeu n’est pas une aberration intégrale. Avec un peu d’indulgence, il se laisse prendre comme une série B bâclée, une sous-production Corman type Carnosaur, réplique opportuniste avouée de Jurassic park. On peut même y trouver un certain plaisir, parfois, devant la ténacité relative de ses ennemis. Son problème, au fond, c’est qu’il manque de charme et de désir – pas tellement de personnalité, on aime les copies, elles ont participé au fondement de la pop culture. A trop négliger son jeu ; à ne pas étudier avec suffisamment d’amour Gears of war, Tecmo a oublié d’apporter le petit détail qui aurait fait de Quantum theory un titre sympathique et révélateur de la formule qu’il emprunte. Il n’est finalement qu’une mauvaise copie, voire son contraire.