En période de disette consolesque, entre la Dreamcast qui crève à petit feu et la PS2 qui s’éternise sur un lancement peu glorieux, il aurait été dommage de ne pas s’arrêter sur un bon petit jeu de baston. Un genre en stand-by, coincé entre le Dead or alive 2 de la Play 2 et les –lointaines- sorties de Dead or alive 3, Virtua fighter 4 et Soul calibur 2 sur consoles next-gen.

Project Justice n’est pas un jeu de fight de la trempe des grands classiques Sega, Namco ou Tecmo. Capcom a perdu son statut de leadership dans ce domaine, à force de s’acharner à nous mitrailler de resucées de ses licences bitmap (Street fighter, Capcom vs. SNK…), ou de tenter d’insuffler un nouveau souffle au genre, en s’éloignant de la baston console stricto sensu (Powerstone 1 et 2). Suite de Rival schools sur Play 1, Project Justice est un jeu qui envisage le genre avec légèreté, voire une pointe de moquerie. Un manque de sérieux qui l’empêche définitivement de jouer dans la cour des grands mais qui apporte une grande bouffée de fraîcheur à un genre parfois un peu trop coincé et droit dans ses bottes. Ici, les bimbos avantageuses et autres rônins boostés sont remplacés par une horde débraillée de lycéens « typés » et quelques profs qui ont une vision pédagogique assez inhabituelle -grosses baffes et coups de boule… Un véritable catalogue de personnages à la sauce manga, une sorte d’Utena shônen, foutraque et hilarant.

3D de rigueur pour cette bande de teenagers psychopathes –la 2D, ça va deux secondes, apparemment. Pas vraiment le domaine où Capcom brille généralement, mais manifestement, il y a du progrès. Même si le gameplay reprend les bases des « streetfighteries » habituelles : quart de cercle + poing, double-quart de cercle + pied, la camelote habituelle, pas toujours adaptée au joypad Dreamcast malheureusement. Petite innovation : on n’incarne plus un combattant solitaire, ni même une « tag-team » à la Tekken tag tournament, mais un triumvirat d’écoliers. Pour peu que votre jauge « team » se remplisse, vous pouvez appeler un de vos partenaires –voire les deux lorsque la jauge est à son max- pour une attaque spéciale. Ce qui donne parfois lieu à des intermèdes assez comiques. C’est d’ailleurs là qu’intervient le véritable aspect stratégique de Projet Justice : certains alliés provoquent des attaques destructrices, d’autres ont des vertus plus « curatives ». La supériorité du joueur confirmé sur le newbie tient donc moins de l’apprentissage encyclopédique des combos –tous les personnages ont à peu près les mêmes combinaisons de touches en guise de coups spéciaux- que de la connaissance des spécificités de chaque personnage. Conclusion : construisez une bonne équipe, bien équilibrée, et vous pourrez vous débarrasser sans la moindre anicroche des débutants hystériques qui appuient frénétiquement sur tous les boutons.

Franchement agréable à regarder malgré un manque flagrant de polygones à l’écran, coloré, souvent irrésistiblement drôle lors des « teams-up » qui laissent place à des séquences délirantes et improbables dans un jeu de baston « classique », Project Justice est une bonne surprise. D’autant plus qu’on ne l’attendait pas vraiment de pied ferme. Même si la version occidentale a été excisée de quelques bonus -possibilité de créer son propre fighter- présents sur un deuxième GD dans l’édition japonaise, ce sequel de Rival schools tient plutôt bien la route à l’usage, surtout lorsque l’on se mesure à un adversaire « humain »… A condition évidemment de goûter l’humour « particulier » nippon manga-esque.