La série des Caesar d’Impressions a si bien fonctionné jusqu’à maintenant que Sierra a jugé bon de sommer les concepteurs d’exploiter le filon au maximum, quitte à se fourvoyer dans la déclinaison facile et peu coûteuse. Car Pharaon n’est effectivement rien d’autre qu’un Caesar 3 au pays de Ramsès. Et un simple changement de contexte suffit rarement à redorer le gameplay d’un jeu, qui plus est lorsqu’il s’agit d’un genre aussi populaire et courant sur micro que la gestion économico-guerrière. Entre Sim city et Civilization si vous voulez.

Nous voici donc en plein cœur de l’Egypte ancienne, de la période prédynastique jusqu’au Nouvel Empire qui s’achève avec Ramsès III. Parti de rien, votre famille doit construire une cité florissante jusqu’à ce qu’on vous proclame, de fait, pharaon. Encore une fois, la réussite d’une mission dépend complètement de l’emplacement des constructions les unes par rapport aux autres. Une constance d’abord : chaque bâtiment doit impérativement être relié à la route. Pour accueillir les citadins, bâtissez vite des logements. Les piteuses cabanes se transformeront petit à petit en demeures luxueuses si celles-ci se trouvent à proximité d’un point d’eau, d’une pharmacie, d’un sanctuaire, d’une caserne de pompiers, etc. N’omettez pas les loisirs si vous ne voulez pas voir les logements se vider pour cause d’ennui profond : espaces de jonglerie, de danse ou encore théâtre de rue (étal). Les espaces industriels ne doivent pas gâcher le décor ni être trop éloignés des habitations. Bref, pas simple que de contenter tout le monde, d’autant que la population croît rapidement. Vous l’aurez compris, tout est question de dosage et d’équilibre entre travail, santé, nourriture, sécurité, divertissement, culture et religion.
Reste qu’en plus de devoir faire le bonheur des citadins, il faut encore pouvoir amortir les frais pour ne pas dire afficher de juteux bénéfices ! Bâtir une belle et majestueuse mégalopole vous coûte bonbon, forcément. Votre salut passe bien entendu par l’imposition. Dès lors que vous construisez un palais, la population sera en mesure de vous reverser une taxe annuelle (vous en définissez le taux au préalable). Dans le même temps, développez le commerce et grappillez sur les revenus. Echangez vos marchandises avec les cités avoisinantes par voie de terre ou par voie de mer (quai d’accostage obligatoire !), encouragez l’import-export.
L’aspect attaque et défense des ennemis est quant à lui franchement plus sommaire que dans Caesar III. Pourquoi pas notez bien, on se concentre d’autant plus sur le principal et le plus intéressant, la gestion de la cité.

Dernier point à surveiller : la considération des dieux à votre égard. Souvenez-vous qu’il n’était pas de bon ton chez les Egyptiens d’ignorer ou de malmener les divinités. Osiris, Ré, Ptah, Seth, Bastet sont les cinq dieux que le joueur se doit de vénérer devant son écran d’ordi. Pour se faire, il s’agit de construire des édifices religieux -sanctuaires, temples- ainsi qu’une place des fêtes pour honorer de temps à autre sa divinité et, par la même occasion, divertir les habitants. Essayez donc voir de sous-estimer l’influence des dieux et c’est la colère divine qui s’abat sur la cité. Elle se traduit généralement par l’émergence de maladies (la malaria près des coins d’eau, la peste dans les quartiers insalubres), de catastrophes récurrentes (incendies, destruction de bâtiments). Plus ennuyeux encore lorsque Osiris, par exemple, limite ou stoppe les crues du Nil. De quoi bousiller tout le système d’irrigation et par extension, engendrer la famine. A noter, évidemment, que toutes ces misères ne sont pas le seul fait des dieux mais plus souvent le résultat de votre négligence…

Bien bien, mais tout ça ne nous éloigne pas vraiment de Caesar 3 n’est-ce pas ? Alors bien sûr, on découvre au fur et à mesure du développement de la cité de nouveaux bâtiments. Brasserie (les Egyptiens, fins amateurs de bibine figurez-vous !), briqueterie, fabrique de papyrus, pavillon de chasse, école de scribes, taverne de jeux, statues, salle des embaumeurs, etc. Or l’attraction suprême c’est le monument. La fierté de la populace. En la matière, les pharaons nous ont laissé d’exceptionnels édifices au premier rang desquels on peut naturellement citer les pyramides. Et c’est précisément à ce propos que Pharaon se distingue de Caesar 3, car on a beau réquisitionner un grand nombre de citadins (guildes de construction et chantiers), l’édification d’un mastaba -monument funéraire en brique-, d’une pyramide, du Sphinx ou d’un mausolée -gigantesque tombeau funéraire destiné aux pharaons- prend un temps fou ! Assez réaliste de ce point de vue et plutôt chouette de voir ses petits bonshommes s’activer longtemps à la tâche.

Au bout du compte, les concepteurs ont bien fait les choses et l’on se réjouira un moment de pouvoir se familiariser avec cette surprenante civilisation attachée plus que toute autre au luxe et à la volupté. En ce sens, le jeu présente des vertus pédagogiques indéniables. Le manuel -énorme- est à cet égard particulièrement bien étoffé. Mais Pharaon se distingue bien trop peu de Caesar 3. L’interface est identique et l’on retrouve même quelques défauts techniques déjà constatés sur le jeu précédent d’Impressions. Comme certaines imprécisions lors des sélections de bâtiments ou de citadins (lorsque l’on veut connaître leurs états d’âme d’un clic droit de souris par exemple, pas simple) sur le terrain. Ou encore le fait que des bâtiments disparaissent soudainement de la carte sans raison particulière ou qu’ils tardent à se transformer alors que toutes les conditions d’évolution sont réunies depuis belle lurette. En outre, pour les 30 missions proposées ici, il faut sans cesse réitérer les mêmes tactiques d’évolution. Vite lassant tout de même. Au final, en plus de reposer sur un concept dorénavant éculé, Pharaon est bien loin d’être aussi novateur que le fut Caesar 3 par rapport à son prédécesseur. Pas vraiment indispensable en somme.