Elégance et métamorphose. Deux préceptes qui synthétisent l’esprit des deux grands shoot’em-up de l’année, Ikaruga (cf. Chronic’art #9, en kiosque) et Panzer dragoon Orta, descendants plus ou moins directs de classiques de la Saturn (Radiant silvergun et Panzer dragoon). Les deux jeux n’ont pas grand chose à voir, en dehors de leur prestigieux passif, mais ils répondent à une même volonté de sublimer le genre du shoot en lui offrant un background d’une classe étourdissante. Et s’ils conservent une ligne puriste, quasi psychorigide, fidèle aux principes de base de leurs ancêtres respectifs, Ikaruga et Panzer dragoon Orta proposent tout deux des embarcations polymorphes qui redéfinissent en profondeur un gameplay traditionaliste et sans fioritures. Un vaisseau bichromique pour le premier, un dragon transformable pour le second.

Après deux shoots 3D mythiques qui introduisaient un système de lock franchement innovant et un champs d’action à 360 degrés, et un RPG, Panzer dragoon revient. Il aura tout de même fallu attendre la Xbox, et la promesse induite que ce nouvel épisode devait au minimum régaler nos rétines. Promesse tenue. Ambiance ultra-post-apocalyptique et bucolico-mutante, décors étourdissants de beauté et de suggestion, créatures fantastiques improbables, SmileBit (le studio concepteur des fabuleux Jet set radio, faut-il le rappeler…) est parvenu à lifter l’univers de la série au-delà de nos espérances. Tout en gardant ce qui fait son étrange beauté : l’équilibre sophistiqué entre fantasy et SF, le babil étrange, guttural et crypto-slave, des habitants du monde de Panzer, une architecture à la fois tribale et cyber. Tout cet attirail esthétique confère à Panzer dragoon Orta un côté un peu « zen », presque apaisé. Mais qu’on ne s’y trompe pas : c’est un shoot sur rail à l’action frénétique, nettement plus éprouvant que ses collègues 3D soit-disant « libres » qui souffrent, en contrepartie, d’une mollesse dont Panzer est totalement exempt. C’est de l’arcade, pure et belle, accrocheuse et épileptique, mais qui offre parfois au joueur quelques dilemmes stratégiques -la plupart des niveaux ont plusieurs embranchements- et surtout une petite dose de réflexion. En effet, ici, on pilote un dragon, à l’instar des épisodes précédents. Un dragon qui peut à la fois mitrailler mais aussi cibler les adversaires et lancer des missiles une fois la pression sur le bouton de tir relâché. Il peut diriger ses tirs de manière frontale, sur ses flancs ou vers l’arrière. Il peut freiner ou accélérer brutalement -petite nouveauté- pour éviter certains tirs ou lancer une attaque kamikaze. Mais surtout, il peut changer de forme… Il y en a trois au total, elles sont évolutives, et chacune apporte son lot d’avantages et d’inconvénients. Les ailes lourdes, puissantes mais peu mobiles. Les légères, la plus défensive mais peu destructrice. Et les ailes standard, intermédiaires, qui combinent les caractéristiques des deux autres formes. Le passage d’une forme à une autre révèle ainsi le style de chaque joueur, entre volonté de survie et performances brutes.

A la fois basique et réflexif, Panzer dragoon Orta n’a pas non plus oublié de contourner les reproches que pourraient lui faire les adversaires de l’arcade. Ceux qui ne trouvent aucun intérêt à refaire cent fois le même niveau pour améliorer leurs score pourront toujours jeter un coup d’oeil régulier à la boîte de Pandore renfermant pléthore d’éléments à débloquer : films, illustrations, encyclopédie sur le monde de Panzer. Mais surtout des missions annexes, un mini-jeu alternatif, découpé lui aussi en de multiples petits épisodes dans lesquels on vit l’aventure du côté de l’Empire du mal, dans la peau d’un jeune soldat pilotant une nacelle particulièrement retorse à manier. Et puis il y a -luxe suprême- le tout premier Panzer, pour ceux qui voudraient se rafraîchir la mémoire.

Avec ses trois modes de difficulté et ses dix épisodes, Panzer Dragoon Orta jouit déjà une durée de vie plus que conséquente. Le revers d’une telle variété de niveaux, c’est que le jeu principal est finalement nettement moins inspiré dans sa deuxième moitié. A part un très beau clin d’oeil à Rez (dont le gameplay est u une déclinaison musicale et techno-minimaliste de celui de Panzer) les derniers niveaux, plus industriels et plus sombres, n’ont pas le même pouvoir de suggestion que les premiers. Les deux derniers se contentent même de ne proposer qu’un unique affrontement contre un boss plus ou moins tordu, ce qui frôle gentiment l’escroquerie. Qu’importe. Malgré sa petite baisse de régime finale, Panzer dragoon Orta nous a fait rêver. Rêver d’une résurrection d’un genre qui a encore beaucoup à offrir… et, fantasme utopique, d’une suite RPG-esque à Panzer dragoon saga, qui creuserait encore plus profondément les sillons d’un univers fantastique, un des plus beaux jamais créés sur console.