Attention : L’Exode d’Abe n’est pas, comme on pourrait le penser, le deuxième épisode de la quintologie Oddworld. Pas la peine de s’attarder sur le scénario, calqué sur le précédent : cette fois encore, Abe devra sauver ses congénères mudokons des griffes des Glukkons, sortes de « Mr Sylvestre » locaux. C’est en fait un remake « avoué », ce qui peut paraître fort surprenant : en effet, pourquoi diable les développeurs d’Oddworld Inhabitants ont-il repris leur première réalisation -pour mémoire : L’Odyssée d’Abe – sans qu’il y ait eu entre temps la moindre révolution technique qui aurait pu justifier ce bis repetita ?
Officiellement, le personnage d’Abe et son univers n’auraient été que trop partiellement exploités dans la première mouture. Mais on peut aisément comprendre les raisons pour lesquelles le couvert a été remis. Sorti en même temps que le mastodonte Final Fantasy VII, L’Odyssée d’Abe n’a pas eu l’impact auquel il semblait destiné, et de nombreux défauts l’empêchaient de faire l’unanimité. Car il faut bien admettre qu’on nous avait un peu arnaqué avec les sytèmes ALIVE et GAMESPEAK qui permettaient de communiquer et d’interagir avec des créatures pourvues de comportements spécifiques : c’était effectivement original mais pas totalement convaincant. Cette fois-ci le nombre d’expressions a légèrement augmenté, mais surtout le caractère des autres Mudokons peut varier selon le comportement d’Abe. Entre les colériques, les dépressifs et les barjos, une certaine diplomatie est nécessaire pour convaincre vos camarades de vous suivre et de vous aider. De par ces petites subtilités, L’Exode d’Abe surfe allégrement entre l’aventure-action classique et le jeu de réfléxion à la Lemmings, nettement plus original. Sans oublier qu’on peut désormais envoûter et « posséder » à peu près toutes les bestioles d’Oddworld, y compris vos propres pets ! Ce large éventail de possibilités rend la résolution des énigmes particulièrement coriace.
Autre problème : la sauvegarde. C’est un défaut inhérent au genre. Le timing pour effectuer certaines actions était parfois tellement précis qu’il n’était pas rare de recommencer 20 fois le même passage. Agaçant. Grâce au « quicksave », on peut enfin sauvegarder à n’importe quel moment du jeu. La durée de vie ne s’en trouve même pas réduite, le challenge étant toujours aussi furieusement difficile. Par contre, on peut enfin rester des heures devant Oddworld sans risquer la crise de nerfs, bien que l’action provoque parfois de sacrées montées d’adrénaline. Les décors envoûtants, entre futurisme post-industriel et fantasy tribale donnent l’irréristible envie d’aller plus loin.
Alors d’accord, cet Oddworld « bis » réutilise les bonnes vieilles recettes de son prédécesseur. On pourrait aussi se demander pourquoi ces petites innovations ne sont pas apparues plus tôt. Mais tel qu’en lui-même, ce remake atomise la concurrence -en comparaison, Heart of Darkness fait vraiment pâle figure- et provoque une telle fascination, que même ceux qui se sont épuisés sur le premier épisode peuvent se ruer sur L’Exode d’Abe les yeux fermés : ils ne risquent pas d’être déçus.