Ceux qui ont oublié notre géométrie sacrée, ont oublié leur vraie nature. Enigmatiques, les paroles de l’unique PNJ du jeu sont pourtant pleines de sens: entre figures impossibles et illusions d’optique, le nouveau puzzle game imaginé pour iOS est un modèle du genre. Et sûrement un peu trop… Développé par Ustwo (société de digital design déjà responsable de Whale Trail, un side-scroller mignon dans la lignée de Techno Kitten), le projet Monument Valley est né de dessins conceptuels de l’artiste Ken Wong. Bien vite, l’idée d’un jeu tactile pour tablettes émerge. C’est donc du bout du doigt que le joueur déplace Ida, princesse et héroïne de l’aventure, dans un univers en 3D isométrique basé sur la perspective visuelle. Quelque part entre Fez -influence revendiquée par les développeurs-, et surtout Echochrome, qui reprenait déjà les travaux d’Escher, le gameplay propose ainsi de mouvoir les décors pour faire progresser Ida, jusqu’à la sortie des tableaux. Rien de bien nouveau, en somme, sous le ciel du puzzle game.

Mais qu’a donc à proposer Monument Valley pour alors se démarquer? Ce n’est pas du côté du chara design minimaliste d’Ida (robe blanche, chapeau blanc, visage blanc) qu’il faut chercher. Ni de celui, malheureusement, du level design: il faut attendre les derniers niveaux pour que leurs conceptions se montrent enfin inspiré (dont un tableau en forme de boite à musique, particulièrement réussi). Fier de la palette de couleurs employée dans son jeu, les premiers donjons élaborés par Ustwo sont d’une fadeur presque maladive. L’ambiance sonore, d’une plaisante délicatesse, ne brille pas non plus par son originalité, puisqu’elle n’est sciemment pas sans rappeler Journey: chaque touche de l’écran produit ainsi une note de musique caractéristique, semblable au « chant » d’interaction dans le soft conçu par Jenova Chen. Difficile également de briser les codes du jeu indé, avec une narration symbolique et discrète laissant libre cours à interprétations (Braid). Cerise sur le gâteau du cliché de l’indie game, la révélation finale, ici mielleuse et laconique à souhait.

Si Ustwo se félicite de l’accessibilité infantile de son soft, c’est bien que celui-ci fait plus figure de jeu d’éveil que de véritable jeu concept. Pas franchement difficile, Monument Valley est certes un parcours initiatique, mais de dix niveaux seulement, pour une durée de vie de deux heures grand maximum. D’une pauvreté absolue en terme de contenu annexe, la rejouabilité du titre ne peut qu’en pâtir. C’est d’ailleurs sur ce point que le jeu aurait du prendre exemple sur ses prédécesseurs: nombre de jeux mobiles proposent ne serait-ce qu’un système de scoring ou une aventure un tant soit peu différente, en guise de new game+.

Six ans maintenant après l’avènement du jeu indé, il est difficile de se positionner dans cet univers où seule l’inventivité est gage de qualité. Respectant à la lettre le canevas des indie games, Monument Valley contient quelques bonnes idées, sans jamais parvenir à lâcher les mains de ses grands frères. Ustwo en serait presque venu à oublier cette créativité sacrée, véritable nature du jeu indépendant.