Créée en 1986 par Jon Van Caneghem, la franchise Might & magic a connu bien des avatars : du jeu de rôle à la Dungeon master (Might & magic 3 à 5, chefs-d’oeuvre) au beat à la première personne (le couci-couça Dark messiah, par les français d’Arkane Studios), en passant par le cultissime jeu de stratégie (Heroes of might & Magic 3…), avec pour seule unité un certain sens du kitsch, un goût prononcé pour les couleurs outrancières et la fantasy la plus joyeusement ridicule, dont les enthousiasmants King’s Bounty sont aujourd’hui les dignes héritiers.

Depuis qu’Ubisoft a récupéré la licence, l’éditeur n’a pas réellement trouvé la formule pour revitaliser un nom qui sonne bien pour les joueurs nostalgiques, mais qui a perdu son lustre d’antan.Alors après tout, un puzzle-game, pourquoi pas ? D’autant que les petits jeunes de Capybara (Critter crunch sur iPhone et PSN) semblent déborder d’énergie, et ont dans la manche un système de jeu rudement efficace. Puzzle-RPG dans la veine de Puzzle quest, Clash of heroes brille surtout par l’ingéniosité de son mécanisme central. Celui-ci, expliqué par une série de tutoriels bien pensés, est sans doute plus difficile à décrire qu’à manipuler. Risquons-nous cependant à en résumer les grandes lignes : deux armées se font face. A son tour, le joueur peut entreprendre un certain nombre d’actions : par exemple détruire une unité, ou déplacer latéralement une de celles qui ferment la marche. Trois unités de la même couleur alignées à la verticale permettent de charger une attaque qui se déclenchera après un nombre donné de tours, trois ou plus unités à l’horizontale créent un mur défensif. Ajoutez une poignée de règles supplémentaires, des combats scriptés où le joueur doit obéir à des contraintes supplémentaires (éviter de blesser un personnage, frapper deux leviers en même temps…), et le compte y est : Clash of heroes possède un des systèmes de puzzle-combat les plus satisfaisants du moment, qui a en outre le mérite d’exiger du joueur un esprit affûté.

Pourquoi, dans ces conditions, ne pas noyer le jeu sous les hyperboles les plus laudatives ? C’est que bien que brillant, Clash of heroes est entaché de maladresses, trahissant un rien d’inexpérience chez le développeur. La partie RPG du jeu est complètement ratée, la faute non seulement à une histoire plate, mais surtout à une structure de progression mal pensée : à quoi bon des quêtes secondaires plus dures que la trame principale, contre toute tradition, alors même qu’il est impossible au joueur de savoir a priori s’il a la moindre chance de remporter le combat qui s’offre à lui ? A quoi bon un système de ressources et des objets magiques qui servent surtout à encombrer le jeu ? A tout prendre, Clash of heroes aurait gagné à avoir une structure linéaire plus classique à la Peggle par exemple.Des détails ? Certes mais des détails énervants quand ils contribuent à frustrer le joueur en cassant le rythme, qui n’est déjà pas d’une rapidité foudroyante : quand il faut attendre tandis que l’IA joue son tour, ou quand un mauvais placement de départ nous oblige à recommencer un combat bien mal engagé, Clash of heroes n’est pas à son avantage. Peut-être le hasard est-ild’ailleurs in fine trop déterminant dans un combat donné : même si après tout, au long du jeu, la chance finit par s’équilibrer.

Si l’expérience est globalement distrayante, et même souvent palpitante, Clash of heroes tientde l’essai seulement à demi transformé. Malgré toutes ses qualités, on lui préfère encore la fluidité du violemment addictif Puzzle quest. Mais ce qu’on pourrait souhaiter de mieux à Capybara serait d’avoir l’opportunité de poursuivre dans cette voie : avec un peu plus de poli et un peu moins de maladresses, ils possèdent tous les éléments pour faire un grand jeu.