Qui ne souvient pas du son qui accompagne les foulées de jogging cybernétique de L’Homme qui valait trois milliards ? L’avantage de cette séquence sonore, c’est qu’il suffit d’une petite seconde d’écoute à l’auditeur moyen né avant les années 80 pour qu’il évoque instantanément un effort sportif dopé à la technologie.

C’est un son familier. Un son qui parle à l’inconscient. Quel rapport alors avec le puzzle-game produit par le studio de Tetsuya Mizuguchi, le créateur de Rez (puzzle them up) ? La synesthésie, évidemment. Soit l’art de faire correspondre les sens dans un mouvement unique. En cela Meteos dispose certainement d’une des meilleures bandes son jamais crée pour un puzzle-game. Car pour accompagner son principe simple et efficace (créer des amalgames de trois blocs de la même couleur, horizontaux ou verticaux, pour les renvoyer vers le ciel), Mizuguchi et Sakurai ont habillé chaque mouvement d’une séquence sonore particulière. Qui donne à Meteos dans ses situations les plus critiques des airs de duel musical entre la machine et le joueur. Quand la machine gagne, la mélodie devient frénétique, obsédante… Et chaque tentative du joueur pour renverser la situation sonne comme des arpèges désespérés appelant au répit. Quand le joueur nettoie soudain l’écran de la menace de ces encombrants météores, au grand fracas victorieux succède une mélodie repartant mezzo piano, apaisée. Un principe original et trépidant et une bande son impeccable.

Langage des signes et des sons. Meteos aurait déjà remplit son contrat. Mais Sakurai pousse l’amour du grand tout encore plus loin. Car Meteos a un scénario et une écologie. Une galaxie menacée par une planète clone de l’oeil du Sauron jacksonien. Et la possibilité, en fusionnant les blocs élémentaires envoyés en orbite d’un coup gracieux de stylet, de fusionner de nouvelles planètes façon La Cuisine des mousquetaires. C’est bien simple, une telle diversité d’objet, de musiques et de niveaux à débloquer ne trouve de concurrence que dans les jeux d’aventure, de plates-formes ou dans les RPGs les plus atteints de collectionnites. Une façon astucieuse d’anoblir un genre aujourd’hui sur-représenté et accessible gratuitement sur le Net. Un souci du détail qui fait de Meteos une expérience complète avant même d’avoir donné le premier coup de stylet. En un sens, on peut voir dans la rigueur et l’exhaustivité du puzzle-game de Sakurai comme une tentative d’épuiser toutes les possibilités autour d’un geste pourtant simple. Meteos est un de ces jeux dont une éventuelle suite ne pourrait que décevoir si elle se contentait d’accumuler syndicalement de nouvelles options, et s’éloignait de son originelle pureté. En mixant esthétique rétro-futuriste, les travaux de Pavlov et Skinner (le conditionnement par le son) et un gameplay hommage à la Nasa, Sakurai réalise le fantasme d’un puzzle-game total, réconciliant la frénésie de l’arcade à l’inquiétude stratégique. Le jouissance du cancre à la fierté du premier de la classe.