Avertissement au lecteur : depuis la sortie de Guns of the patriots, de l’eau a déjà coulé sous les ponts (bien qu’on ait été dans les temps avec Chronic’art #47, magazine papier en kiosque, où l’on interroge longuement Hideo Kojima, le créateur de MGS). Tant qu’à être en retard, autant se permettre quelques bons gros spoilers, et pas des moindres, sur Metal gear solid 4, mais aussi sur les autres épisodes de la série. Si vous n’avez jamais joué à un Metal gear solid (MGS), et plus particulièrement au dernier, ou si vous n’avez pas encore appris par coeur la MGS database disponible sur le PlayStation Store, mieux vaut passer votre chemin. Si vous connaissez déjà la série dans son ensemble, que vous avez déjà terminé MGS4, ou si vous n’avez de toutes façons pas l’intention de jouer un jour à l’un de ses épisodes, vous pouvez y aller…

PROLOGUE : Fumer tue

On n’en attendait pas moins de la part de son créateur : l’écran d’installation de MGS4 sort vraiment de l‘ordinaire. Là où tant d’autres se contentent généralement d’un misérable fond noir sur lequel on distingue une jauge minimaliste qui se remplit plus ou moins lentement, Hideo Kojima nous propose une belle mise en abîme – il faut dire que c’est un peu sa spécialité. En gros plan, Solid Snake, héros à mi-temps des MGS, fait ce que n’importe quel joueur normalement constitué est tenté de faire lorsqu’il se retrouve confronté aux inconvénients des consoles modernes (chargement, installation, connexion, etc.) : il se grille clope sur clope. Snake fume pour vous, à votre place. Trop. J’ai compté (je n’avais que ça à faire) : quatre cigarettes en huit minutes. On pourra toujours objecter que notre badass préféré crapote comme une gonzesse et qu’il jette ses mégots dans son petit cendrier portatif bien avant d’avoir atteint le filtre. C’est vrai, mais ça fait tout de même beaucoup. Qu’est-ce qui peut bien pousser Snake, jusqu’ici fumeur modéré, à s’esquinter les poumons sans craindre la menace d’un cancer généralisé d’ici les dix prochaines années ? A bien y regarder il y a quelque chose de changé sur le visage du « héros de légende ». Il fait beaucoup plus vieux que son âge. Si on se fie à la chronologie de la série, Snake devrait à peine dépasser les 40 ans. Or, il en paraît facilement vingt de plus, symptôme d’un vieillissement accéléré qui ne lui laisse que quelques mois à vivre… et une bonne raison pour se laisser aller à son addiction à la nicotine, malgré les protestations répétées de son entourage (attention, premier gros running gag du jeu).

Il y a quelque chose d’assez touchant dans ce personnage qui porte sur son visage les stigmates de la lassitude de son créateur, qui a cette fois promis, juré, craché que Guns of the patriots serait son dernier MGS. « Old Snake », condamné à mort à très court terme dès les premières minutes de jeu, métaphore sur pattes de la fin d’une époque, des Metal gear solid, peut-être, soyons fou, des Metal gear (ou de rien de tout, on n’est pas à l’abri). Kojima se régale de ce genre de symbolisme un peu lourdaud : Snake eater, troisième MGS, épisode prequel qui revenait aux origines de la série, quarante ans en arrière, s’amusait déjà avec les figures de la Genèse. En toute logique, Guns of the patriots devrait donc nous jouer la partition d’une petite apocalypse. Ce qu’il fait très bien pour son héros, passablement amoché, physiquement et psychologiquement torturé, tout au long de l’aventure. Mais aussi pour les grands thèmes de la série, qui y trouveront leur aboutissement, et tous ses mystères, qui seront implacablement résolus de telle sorte qu’à la fin du jeu, il ne reste plus aucun fil narratif à dénouer, empêchant par là même toute éventualité d’une suite. Quoi qu’il arrive, si Metal gear veut continuer sa route, il devra le faire sur de toutes nouvelles bases ; et donc sans la présence obligatoire de son créateur qui s’est efforcé, bel exploit, de boucler une saga passablement chaotique, aux enjeux multiples et franchement retors, qui s’est fait une spécialité de progresser en accumulant les plot-twists et les révélations de dernière minute les plus improbables.

A bien y réfléchir, si Old Snake nous apparaît si émouvant, c’est aussi parce qu’il a l’air un peu ringard. « War has changed », marmonne-t-il au début de l’aventure, constat lucide sur sa condition de has-been. Avec son atroce coupe mulet, son gros bandana et, petite nouveauté, sa moustache de retraité de la police, le pauvre Snake finit en effet par ressembler à ces acteurs sur le retour qui panouillaient dans les ninja-movies interlopes du début des années 80. Certes, il n’a pas « NINJA » inscrit en gros sur son bandeau, ni même « SUPER SOLDAT » ou « INFILTRATOR ». Mais son look de héros sur le retour ne fait qu’exacerber les nombreux relents nanars qui parfument parfois une intrigue au long cours, qu’on pourra qualifier d’hyper-intello ou de complètement nawak selon son degré d’idolâtrie envers la série et son créateur. Dans le pire des cas, ça peut donner MGS2, œuvre orgueilleuse, déviante, post-momo en diable, aussi brillante qu’aberrante. Dans le meilleur, MGS3, sans doute le plus bel épisode de la série, dans lequel tragédie et auto-parodie n’entraient jamais en conflit. Bizarrement, MGS4, opus terminal – ou qui, du moins, se présente comme tel – n’est ni l’un, ni l’autre… Ou alors, en étant un peu mauvaise langue : c’est un MGS2 en toute petite forme.

« Je sais qu’il existe de nombreux fans de Metal gear solid dans le monde, mais je désire passer à autre chose » (Hideo Kojima).

ACTE 1 : Sands Of Time

OK, tout est là. Ecran de démarrage : un cimetière abandonné aux mauvaises herbes, dans lequel erre comme une âme en peine notre bon vieux Snake, avant de s’enfiler un flingue dans la bouche. Image terrible, déjà passablement éventée par quelques teasers, et suspense insoutenable : va-t-il appuyer sur la gâchette ? Générique de début : encore ce bon vieux Snake, assis dans un camion, avec d’autres combattants, roulant dans le désert vers une ville du Moyen Orient en ruines, manifestement détruite par des combats incessants entre une armée de mercenaires et des rebelles locaux. Au niveau du sens, on est servi : ça sent la mort, la fin de règne, le crépuscule poussiéreux des héros. D’un autre côté, le décorum est inhabituel pour une production japonaise. La guerre urbaine, dans un pays plus ou moins identifié du Moyen Orient, c’est plutôt l’affaire des FPS occidentaux, une grande histoire d’amour sublimée par le dernier Call of duty auquel il est désormais difficile de ne pas se référer lorsqu’on s’engage sur ce genre de terrain. Avec sa nouvelle caméra libre, héritée du remix de MGS3 : Subsistence, et un système de tir à la troisième personne assez similaire à celui de Gears of war, le gameplay de MGS semble, de son côté, s’ouvrir aux influences extérieures et à un désir d’accessibilité qui tranche avec le rigorisme de Snake eater. Illustration la plus évidente de cette nouvelle philosophie : l’OctoCamo, système de camouflage similaire à celui de Snake eater, les manipulations lourdingues dans les menus en moins. Il suffit de se coller à un mur ou sur le sol pour adapter automatiquement la combinaison de Snake à son environnement – on arrête pas le progrès. Le jeu conserve tout ce qui fait sa complexité et sa richesse – impossible de le maîtriser réellement sans passer par le tutorial – mais devient plus souple et plus agréable ; si j’osais, je dirais plus proche de son frère ennemi Splinter cell.

Il y a, dans cette nouvelle formule, comme un sentiment d’aboutissement et d’accomplissement de tout ce qui a caractérisé MGS depuis ses débuts. Une part de trahison, voire de renoncement, aussi : on pourrait reprocher à Guns of the patriotsde ne plus vraiment respecter les mécaniques de base de la série. Les habituelles parties de cache-cache se passent désormais au beau milieu d’affrontements entre deux factions deux distinctes, les mercenaire, et les rebelles, dont on peut se faire des alliés, en intervenant plus ou moins directement dans le conflit : éliminer les soldats adverses en embuscade, aider des prisonniers adverses, faire sauter des tanks ou des hélicoptères. Comme il fallait s’y attendre, rien n’oblige le joueur à ajouter son grain de sel au chaos ambiant. Dans ce cas-là, il devra éviter de passer dans le champs de vision des rebelles comme des mercenaires, ce qui risque de rendre sa progression beaucoup plus ardue. Le « système MGS » y perd sans doute un peu de sa pureté originelle. Mais cette remise à plat du concept, cette plongée dans un monde en guerre, sale et bruyant, renforce le côté bac à sable à la japonaise qui a fait tout le génie de la série. Grand terrain de jeu en ruines, easter eggs plus ou moins cachés, humour pipi-caca potache (second gros running gag du jeu, les déboires intestinaux d’Akiba, piteux soldat et personnage récurrent de la série), robots géants à cuisses de nageuse est-allemande qui font meuh-meuh (les Gekkos qui comblent tant bien que mal l’absence d’un nouveau Metal gear), grosses poussées d’adrénaline, réalisation brillante. Rien ne manque à ce premier acte qui s’achève par l’entrée en scène d’Ocelot, méchant ultime et vraiment classieux, avec ses airs de hippie déclinant. Rien ne manque, si ce n’est peut-être un boss. Ce sera pour le prochain niveau. ACTE 2 : No Countries For Old Snake

Ca fait toujours un peu bizarre un test de MGS sans un « oui mais… ». Depuis le second opus, qui prêtait avec insolence le flanc à la controverse, la série a toujours plus ou moins contraint ses admirateurs à déployer des merveilles de dialectique pour défendre leur jeu préféré et excuser quelque maladresse de design. Je ne parle ici pas des cinématiques trop longues, des dialogues interminables ou des tirades explicatives sans fin sur fond d‘écrans Powerpoint. Ce genre de « désagrément » fait partie intégrante du dogme MGS, depuis l’épisode PlayStation, dont personne aujourd’hui ne songerait désormais à nier l’excellence, la perfection qui caractérise les jeux fondateurs. Sur certains aspects, la série n’a plus besoin de se remettre en question, et n’est manifestement pas disposée à le faire. Avec panache, Kojima persiste et signe à chaque nouvel épisode, trouve toujours un moyen de répondre aux critiques, souvent avec humour, mais tient fermement la barre de son navire. MGS, c’est toujours à prendre ou à laisser, il faut apprendre à accepter ses délires, ses choix curieux, ses maladresses, compensés par une profusion de gimmicks géniaux, de trésors cachés. Comment en vouloir, finalement, à un jeu aussi généreux ?

Pour quelqu’un comme moi, qui n’ai jamais été un inconditionnel de la série, accepter MGS a été un chemin de croix, long et douloureux, qui passait par l’atroce VF de MGS1 (« Fais-moi sentir vivant », c’est la plus connue, mais le dialogue très fleur bleue entre Snake et Otacon devant un ascenseur valait lui aussi son pesant de cacahouètes), le perroquet d’Emma Emmerich et les interminables scènes de ménage entre Raiden et Rose dans MGS2. Puis, la Révélation : Snake eater, son générique bondien, le personnage de The Boss, le combat contre The End ou The Sorrow, et sa magnifique conclusion. Il y avait largement de quoi avaler quelques pilules amères, dont un réel problème personnel avec la maniabilité MGS et cette unité de lieu un peu austère, à base de palettes monochromatiques peu engageantes (bleu pour MGS1, vert / orange pour MGS2, jaune euh pisseux pour MGS3). Pour chaque épisode un décor bien identifiable géographiquement : Alaska, baie de New York, Russie. Guns of the patriots marque une rupture évidente avec les épisodes précédents. Snake change de continent à chaque niveau, catapulté sur des lieux géographiques assez vagues (« Moyen Orient », « Amérique du Sud », on ne se mouille pas trop). On ne sait pas trop ce qui a motivé cette décision (référence à James Bond, à Splinter cell ?). Tout ce qu’on peut dire c’est que ça ne s’accorde pas vraiment avec les codes de MGS.

ACTE 3 : Around The World

MGS4 parvient tout de même à faire illusion sur ses deux premiers chapitres. La jungle sud-américaine du deuxième acte a comme un air de famille avec la jungle russe de MGS3, ce qui, d’un point de vue géographique, me laisse pour le moins dubitatif. A ce stade du jeu, on peut encore parler de « clin d’oeil » (ou de « recyclage » si on est un peu langue de pute). L’excitant concept d’infiltration en plein conflit armé y est encore exploité avec élégance, même si le passage d’un milieu urbain à des décors plus naturels ne change pas fondamentalement la donne… Jusqu’au premier boss (honorable), qui sonne définitivement le glas du gameplay de départ pour s’éparpiller dans toutes les directions. En guise de dessert, le second acte nous offre un boss, un jeu de pistes dans la jungle, une course-poursuite façon rail-shooter, et une mémorable partie de cache-cache avec des Gekkos dans un marché d’une petite ville sud-américaine… aussi intense que courte (c’est bouclé en cinq minutes). Un avant-goût de l’acte 3, qui, à peu de choses près, est structuré de la même manière : trois malheureuses phases de jeu toutes distinctes les unes des autres, entrecoupées par de longues cinématiques. Malgré son atmosphère envoûtante (une ville de l’Europe de l’Est plongée dans un léger brouillard expressionniste), l’acte 3 agit comme un révélateur des faiblesses de ce quatrième épisode, mais aussi, sans doute, de la série dans son ensemble.

En abandonnant le principe d’unité de lieu, Kojima ne fait que surligner le déséquilibre entre passages joués et non-joués. Trop découpé, le jeu paraît parfois complètement vidé de sa substance : certains actes finissent complètement parasités par des dialogues passionnants ou des scènes d’action over-the-top qui dominent des phases de jeu trop courtes, trop peu nombreuses, trop diverses, ou, au contraire, étirées au-delà du raisonnable, comme s’il fallait à n’importe quel prix remplir le vide. Que retenir d’un tel capharnaüm ? Un cimetière aux idées mortes-nées où tout s’enchaîne trop vite ? Une grande braderie où tout doit être liquidé avant inventaire et fermeture ? Un MGS sans tête, sans cohérence esthétique, et finalement sans véritable thème, qui n’a pas l’air d’avoir grand-chose à dire ? Le temps d’une charge balourde contre les « FPS qui transforment les joueurs en futurs soldats » (c’est raide, on se croirait presque sur PlanetJeux), et on commence à douter sérieusement du degré de motivation de Kojima pour réaliser son dernier MGS. Le pauvre Snake semble endosser, à lui tout seul, le rôle de punching-ball sur lequel son créateur s’acharne pour régler définitivement son compte à la série, alors que des révélations fracassantes sont assénées au joueur au rythme d’un marteau-piqueur. Chouette, on sait enfin qui sont VRAIMENT les Patriotes, ce réseau de conspirateurs qui contrôlent le Monde en sous-main. Il n’y a rien à redire, tout semble logique, sensé, du moins dans le cadre très particulier d’un scénar’ qui n’a jamais hésité à partir joyeusement en vrille. Evidemment, MGS4 n’a sans doute pas encore tout donné, on sait pertinemment que des infos contradictoires peuvent encore nous tomber dessus. Après tout, il reste encore deux tiers de jeu à tirer. Et puis surtout, on attend toujours ce petit-plus qui fait généralement le génie de chaque épisode.

ACTE 4 : Astérix En Corse

Il fallait être patient, les véritables clés de MGS4 nous sont données au cours de ce quatrième acte joliment mélancolique. Dans l’hélicoptère qui le mène à son prochain objectif, Snake fait un rêve qui ressemble à un passage de MGS1 sous émulateur. Les abords de la base de Shadow Moses, en 3D pixellisée, les effets sonores de l’époque (quoique, ils n’ont pas vraiment évolué depuis…), et le fameux radar Soliton qu’on n’avait perdu de vue depuis MGS2. Réveil brutal de Snake quelques minutes avant de revenir sur le lieu des origines, désormais abandonné, (quasiment) vide de toute présence humaine, les gardes de l’époque ayant laissé la place à des robots et aux souvenirs, qui refont parfois surface, lorsque Snake repasse par certains lieux emblématiques du premier MGS. Nostalgie facile ? Sans doute : la série joue avec ses propres mythes, convoque perpétuellement le passé et s’auto-cite allègrement. Un péché mignon auquel Kojima a toujours cédé, mais jamais de manière aussi directe, aussi frontale. Il ne s’agit plus de relecture de l’épisode fondateur, ou de répondre sournoisement aux polémiques et controverses. Plutôt une façon de boucler définitivement la boucle à travers une véritable autocélébration.

Ce qu’il fallait comprendre : MGS4, c’est MGS all stars, la foire aux flash-backs, aux fantômes du passé, aux come-backs en série. Ils sont presque tous là pour la fête, sauf les morts (encore que), en rang d’oignon, en attendant que Kojima veuille bien leur confier un rôle, ou un petit cameo sous la forme d’une référence bien appuyée. Le genre de référence qui transforment les quatre boss principaux du jeu en boutiques de souvenirs, quatre coquilles vides au passif ridicule censé justifier des noms de code qui sentent le renfermé (Laughing Octopus, Raging Raven, Crying Wolf, Screaming Mantis) et dont les qualités ludiques peinent à convaincre. En dehors de l’aspect méta-jeu qui poussera les connaisseurs de la série a rechercher le moindre clin d’oeil, cette tendance à se regarder le nombril prive Guns of the patriots, épisode qui a tout du pot de départ en retraite, d’une personnalité propre. La puissance évocatrice d’un Shadow Moses délabré et abandonné vient démontrer les limites d’une telle démarche. S’il aurait été possible, dans une moindre mesure, de provoquer chez le joueur le même genre de sentiments nostalgiques avec la Big Shell de MGS2, ou la région de Tselinoyarsk de MGS3, on ne peut pas vraiment en dire autant des différents niveaux de MGS4, qui n’ont ni l’opportunité ni le temps de marquer profondément et durablement l’inconscient des joueurs.

ACTE 5 : Mr Hankey Got Married

Le jeu touche à sa fin, juste le temps de deux-trois moments de bravoure avant que l’histoire ne se décide à se passer du joueur pour atteindre sa conclusion. Kojima, qui s’aperçoit qu’il n’avait encore rien fait pour « briser le quatrième mur », se rattrape sur le tard avec un boss-fight remake de celui contre Psycho Mantis dans MGS1. Pas brillant… Snake passe au four micro-ondes, il n’est plus à ça près, puis c’est l’affrontement final, mis en scène comme un jeu de combat 1-on-1 classique mais qui tient plus du QTE que de l’émule de KOF. La musique de fond et le design des life bars permettent, une dernière fois, de passer en revue les trois épisodes précédents. Ouf ! Avant de poser la manette pour déguster la cinématique de fin, j’essaye de digérer cet opus boursouflé, imbu de lui-même, parfois impressionnant, et traversé de belles fulgurances. Mais jamais vraiment à la hauteur de ce dont est capable un Kojima en pleine possession de ses moyens. De quoi se plaint-on ? Le manque de cohésion, des nouveaux personnages trop peu nombreux, un codec rachitique, un jeu sur-signifiant qui, sous le poids de son passé, ne parvient jamais à faire corps ou à prendre le joueur au dépourvu. On cherche encore un équivalent à Psycho Mantis, à la mise en abîme de MGS2, à l’encyclopédie délirante de MGS3. En vain.

MGS4 est à MGS ce qu’Indiana Jones 4 est à Indiana Jones : une photocopie sans génie, parfois un peu honteuse, d’une série mythique. D’ailleurs ils se terminent de la même façon, par un mariage un peu nunuche. Un mariage à la place d’un enterrement, puisque Kojima n’aura finalement pas le courage de tuer son héros après lui avoir fait subir les derniers outrages. Sauvé par le gong, par un dernier come-back, le plus improbable de tous, qui enterre définitivement le fil narratif des Patriotes mais qui laisse la porte ouverte à une suite, pourquoi pas avec Snake (il suffit d’un remède miracle à base de nano-machines), pourquoi pas avec Kojima (il nous a déjà fait le coup). A qui on peut difficilement reprocher de nous prendre à rebrousse-poils, de ne pas nous donner ce qu’on attendait de lui : après tout, c’est ce qui faisait toute l’audace de MGS2, remplacer Snake par le rookie Raiden après un tiers de jeu. Sauf que rien, ici, ne vient justifier cette frustration de dernière minute qui affadit considérablement la fin d’un jeu déjà passablement amoché. Que voulez-vous, j’aurais préféré une belle fin tragique à la MGS3. Voir Snake engloutir goulûment le canon de son pistolet. Et appuyer moi-même sur la gâchette.

EPILOGUE : Rain Man

Peut-être qu’on attendait trop de ce dernier-MGS-de-Kojima. La série a toujours fonctionné en autarcie, refermée sur elle-même, assumant crânement ses forces comme ses faiblesses. Logique qu’elle ferme le ban sur le mode de la compile complètement incompréhensible pour ceux qui n’ont pas le privilège de faire partie du club de fans hardcore. Pourquoi dès lors, lui reprocher de ressasser son passé ? Peut-être parce que Kojima aurait pu pondre son End of Evangelion, un grand jeu de massacre où toutes les grandes figures de la série se feraient dézinguer les unes après les autres. Ou nous refaire le coup de MGS2, remplacer ce vieux croûton de Snake dès la fin du premier ou du deuxième acte et le remplacer par Raiden, décidément bien classe en nouveau-nouveau-ninja-cyborg en béton armé. Et transformer MGS en clone de Ninja gaiden, sans la moindre transition. Tout plutôt que cette suite décomposée de gameplays morts-nés, de boss inodores, d’auto-citations complaisantes et de scènes ridicules (oui, même pour un MGS). A ce stade, ce n’est même plus du fan-service : Guns of the patriots ressemble parfois à une fan fiction laborieuse, écrite par un nerd à lunettes qui imaginerait un scénario pour faire joujou avec ses action figures. Quelques beaux restes, un démarrage en trombe, c’est tout ce qu’on pourra sauver de ce chant du cygne qui n’ose même pas aller jusqu’au bout, qui n’est même pas digne de son héros : beau personnage en phase terminale, vieux débris touchant, loser magnifique, Snake méritait une sortie de scène plus honorable, il aurait dû pouvoir tirer sa révérence, nous offrir son dernier souffle, se faire définitivement sauter la calebasse. A la place, c’est Metal gear solid qu’on a assassiné.