Souvenirs : en 2000 sortait sur Nintendo 64 Mario tennis, petit bijou du genre, et pendant léger du Power smash (Virtua tennis) de Sega. Transcendant le multijoueurs et les 4 ports manettes de la console (dans la droite lignée des Mario kart 64, Mario party, Super smash bros…), Nintendo y appliquait sa formule bien connue. En combinant simplement deux boutons pour réaliser une palette de coups différents, le jeu déployait une mécanique imparable, tout à la fois simple et subtile, le tout plongé dans cet univers si familier de champignons, tuyaux et autres carapaces de tortue. Une garantie de confort et d’accessibilité, comme un sentiment d’évidence qui marque encore ce Mario tennis open sur 3DS, par l’utilisation de l’écran tactile et d’un système de couleurs représentant les différents types de coups.

Avant cet épisode fondateur, il y eut d’autres incursions dans le genre moins glorieuses. Si dès la sortie de la Famicom, Nintendo proposa un jeu de tennis (avec Mario comme juge de ligne), il faut surtout mentionner Mario’s tennis, sorti en 1995 sur Virtual Boy. Le jeu, oublié avec le bide monumental d’une machine trop austère pour son époque, était pourtant l’une de ses rares réussites. Héritant des International tennis et David Crane sur Super Famicom, il permettait de suivre son joueur selon une vue de dos marquant un horizon plus aplati, propre à multiplier les effets de relief gérés par la machine. Avec son écran 3D comme argument technologique, il n’y a donc rien d’étonnant que sur 3DS, Mario tennis open reprenne cette vue tout en la couplant à ses fonctions gyroscopiques. Parallèlement à la jouabilité classique, la possibilité de diriger son personnage de dos tout en orientant la console pour envoyer ses coups marque la grande nouveauté de Mario tennis open, l’inscrivant dans ce qui serait au fond la suite naturelle du jeu sur Virtual Boy.

Entre un épisode maudit et son successeur qui fit table rase, opérant un virage multijoueur et une refonte massive du gameplay général, il n’est donc pas étonnant de voir ici se confronter deux manières de jouer, distinguant deux voies différentes, celle du Virtual boy contre celle sur Nintendo 64. En un sens, on pourrait rapprocher cette dualité de celle que l’on retrouve dans les dernières licences phares du sport que sont les Fifa, PES et NBA 2K, qui ont également greffé à leur mode de jeu classique la possibilité de ne suivre de près qu’un joueur durant le match, plus proche d’une pratique du sport en soi (initié aussi avec Nintendo et Wii sports). En somme, la coexistence de deux regards distincts: l’un correspondant à la retransmission télévisuelle, réponse au fantasme d’être à la fois l’acteur et le spectateur de ses propres exploits; alors que le deuxième, au-delà du prisme télévisuel, se déleste de la dimension spectaculaire et collective du sport pour le concevoir selon l’intime et le subjectif.

Le surprenant manque de contenu du jeu (disparition du mode RPG que l’on avait sur Mario power tennis sur GBA, des coups spéciaux ou de la folie de certains courts) se révèle alors comme un moyen d’aller droit à l’essentiel et se focaliser sur cette dualité, que l’on pourrait reformuler en termes éthique et esthétique. A savoir, si l’on préfère le beau jeu (dynamisme de la vue subjective) au bien jouer (et la vue en hauteur), en d’autres termes le baroque visuel au classicisme du gameplay. A l’évidence, le jeu de Camelot ne tranche pas, et laisse à chacun le choix de décider, choix qui pour nous est fait : vite délesté des tournois remportés facilement, il faut opter pour le classique, seul à même de permettre d’éprouver le jeu en mode légende, où la difficulté extrême fait toucher à sa quintessence. Mêlant instinct et réflexion, Mario tennis open s’y mue en effet en jeu de rythme frénétique, où l’on ne cesserait de dialoguer avec son adversaire, répondant par un lob à une montée au filet, un coup long de la ligne à une grande frappe en diagonale, un lift surpuissant à un coupé subtil, jusqu’à avoir le dernier mot. A l’instant d’ébahissement premier des sens, l’on privilégiera, sur la durée, la naissance d’une extrême réceptivité aux signes nous faisant embrasser d’imperceptibles horizons. Aveu conséquent que sur la portable de Nintendo, l’écran 3D n’est au fond qu’un chichi cosmétique, comme une manière de ramener le Virtual Boy dans les limbes du jeu vidéo.