Depuis toujours, le jeu vidéo se traîne la réputation d’être un truc pour les gosses. Malgré tous les efforts (ici même et ailleurs), il reste la dernière roue du carrosse, et n’importe quel Grand Theft Auto ne pourra se hisser au niveau d’un Scorsese ou encore moins d’un DeLillo dans l’œil du critique consensuel. Lego City Undercover a de quoi lui donner raison, littéralement, et avec une certaine ironie qui tacle dans le même mouvement sa position arrogante – ou en tout cas désuète. GTA-like, ou presque, dans le monde de Lego (qui depuis maintenant plus d’une décennie a servi des dizaines de jeux et licences), Lego City Undercover est bien une version lite, pour bambins, du chef-d’œuvre de Rockstar. Soit une aventure dans un monde ouvert, vaste, décalquant avec malice les grandes métropoles américaines (New York, San Francisco etc.), mais en Lego. Suivant un scénario aux allures d’Arme fatale remonté par Disney Channel, le ton gentiment 80’s du jeu sent bon le petit revival à l’adresse d’un public qui sans avoir connu l’époque ciblée, reste apte à immédiatement en comprendre les codes, à cheval entre classicisme et post-modernisme. Pour l’adulte tombant sur le jeu, la dimension est légèrement différente, plus nostalgique et surtout plus réflexive.

 

Soyons clair, en terme de jeu, Lego City Undercover est si pauvre en challenge (missions assistées, difficulté au rabais) qu’il a de quoi décourager celui ne cherchant pas à voir un peu au-delà de cette limite. Une fois fait le deuil du gameplay, en dépit d’une quantité impressionnante de contenu faisant un peu mieux passer la pilule, Lego City Undercover se révèle un jeu aussi sympathique que stimulant si on l’observe sous son meilleur profil. Au prix d’un minimum d’effort, il génère même une forme de connexion rêvée, créant un gigantesque espace bac à sable renvoyant à une enfance impossible où l’on aurait eu, à portée de mains, une ville entière en Lego. La rencontre avec GTA (en plus balisé, pour ne semer personne) et son espace démesuré, rappelle non seulement son influence désormais omniprésente, mais produit aussi un court-circuit entre deux mondes. Se livrer à Lego City Undercover c’est un peu comme jouer au grand (GTA, jeu mature par excellence, a priori), avec les moyens des petits (le Lego). L’expérience tient ainsi d’un nouveau tourisme en enfance, rappelant non seulement la jubilation des constructions en tous genres qu’on pouvait faire sur le tapis du salon, mais aussi l’éternel jeu du bandit et du voleur voulu par l’intrigue. La pléiade de jeux Lego précédents créait déjà cette image, mais elle est ici démultipliée, plus cohérente grâce à l’open world qui lui donne vie.

 

Truffé de références pop (films, jeux), comme Pixar pensait ses films à ses débuts, Lego City Undercover dresse aussi un parallèle avec le cinéma d’animation hollywoodien de ces dernières années. Par son ton, son style, son univers, il suit cette voie d’une fiction pour enfants toujours plus mise en scène et écrite par des adultes rêvant leur passé. Il renvoie aussi ironiquement GTA à ce qu’il est, avant d’être cette satire baddass du rêve américain : un pur retour en enfance. Une régression dans un monde à l’image du notre, où les règles auraient sauté, où on pourrait enfin jouer librement les sales gosses et dire non à tout avec un air idiot. D’une certaine façon, la boucle est bouclée.