Si l’on cherche à savoir où en est le point’n click, on ne saurait trouver meilleure illustration que la première scène du Testament de Sherlock Holmes : en jouant dans un vieux grenier, des enfants tombent sur un coffre ancien dans lequel ils trouvent un trésor, le récit d’aventures inédites du célèbre détective inventé par Conan Doyle. Point de départ du jeu, ce grenier c’est un peu le lieu du point’n click. Dedans, se terre un genre phare des années 80-90, désormais confidentiel, et seulement visible à travers quelques remakes cosmétiques dépoussiérant une gloire passée. Aussi, c’est chaque fois un petit bonheur que de voir des jeux ressuscitant le genre en sachant nous surprendre, comme ce Testament de Sherlock Holmes, dont la principale nouveauté tient à une fluidité en rupture totale avec la tradition classique: là où les Dreamfall ou Runaway (pour les plus récents) cherchent à faire épuiser les pistes et toutes les interactions possibles pour débloquer la progression du jeu, ici le joueur s’appesantit rarement. Au contraire, c’est une grande variété d’action qui maintient sa réflexion, entre recherche d’indices, énigmes à résoudre, autopsies ou scènes de crime à analyser, le jeu allant jusqu’à se permettre quelques originalités comme faire jouer le chien de Holmes. Le tempo y est ainsi trépidant, au service d’une intrigue souvent brillante où la nature sombre de Holmes se mêle à une dimension politique (terrorisme et anarchisme sur fond de misère sociale). Le jeu allant jusqu’à faire de son personnage un traître à la patrie.

Si finalement le jeu semble se placer, par hasard ou non, entre le Holmes de Guy Ritchie pour sa recherche de vitesse, et l’étude délicate que Billy Wilder avait livré en son temps dans La Vie privée de Sherlock Holmes, il est peut-être juste dommage que sur la durée, il ne parvienne pas à maintenir ce précieux équilibre. A l’image d’une fin trop expéditive ou de quelques belles promesses laissées en suspens, la quête de cinétique prend le pas sur la possibilité de creuser un peu les choses. Quand, par exemple, Holmes et Watson se promènent dans le quartier de White Chapel, comptant le numéro des immeubles tout en questionnant les passants, le jeu esquisse une belle invitation à l’errance et la flânerie, à la manière d’un Shenmue ou la très belle série des Hotel dusk, mais hélas sans aller plus loin. De même, lorsque Holmes disparaît du jeu pour laisser seul un Watson désemparé, le jeu ne prend pas le temps de mesurer cette absence et cramponne le joueur à une enquête dont il est impossible de déroger, comme si le jeu prenait alors peur du vide et privilégiait simplement le confort d’une aventure lancée sur des rails. Au final, le jeu se voit alors interdit d’accéder à une dimension supérieure où son médium déborderait de son cadre purement ludique pour embrasser un terrain plus poétique et sentimental. Mais ne soyons trop sévère. En l’état et malgré tout, ce Testament de Sherlock Holmes reste un beau jeu, témoignant d’une volonté remarquable de sortir des vieux canons du genre pour oeuvrer à sa propre modernité.