Froid, calculateur, implacable, le tueur à gages code-barré 47 vient une fois de plus piétiner les plates-bandes viriles de Sam Fisher (Splinter cell) et de Solid Snake (Metal gear solid)… Les deux ténors de l’infiltration ont beau se mettre au vert, gambader dans la jungle, les champs de cannabis, ou croquer du crotale à pleines dents, ils ne se sont pas encore rangés du côté « peace and love » et chatouillent toujours autant la fibre guerrière qui sommeille en chaque joueur un peu bas du front. Hitman, de son côté, se pose comme une alternative civile aux catharsis para-militaires du stealth-game en général. Exit les casseurs de terroristes, les gardiens du temple démocratique tapis dans l’ombre, 47 liquide pour de l’argent, voire pour le plaisir, et en pleine lumière… Le jeu vidéo est toujours plus séduisant lorsqu’il verse dans la vilenie.

En bon challenger, Hitman oppose au dirigisme martial de Splinter cell et au script-roi de Metal gear solid, un gameplay ouvert : une map gigantesque, des cibles à éliminer, un court briefing et système D. 47 peut agir en boucher, ou utiliser ses neurones, se déguiser, ou se planquer, c’est un homme libre… Et c’est sans doute la raison pour laquelle certains critiques qui voudraient se donner des airs de chantres de la modernité vidéoludique le portent aux nues. Dans un sens, Hitman préfigure effectivement le jeu vidéo de demain, le jeu sans entraves, sans lignes directrices, plongeant le joueur dans un univers virtuel cohérent et « vivant ». En attendant, après un Pandora tomorrow, adepte du beau-geste furtif exécuté à la perfection, ce troisième épisode de la série d’Io Interactive semble avoir un train de retard, avec sa jouabilité brouillonne, ses lacunes et ses faiblesses. Le seul véritable apport de Hitman : Contracts, c’est la recherche d’une cohérence crasseuse, entre ambiances nocturnes, humides et un indéniable penchant pour les perversions les plus morbides. Partouzards cannibales, lords dégénérés, mafieux tortionnaires… 47 se vautre dans la fange pour mieux la nettoyer. Tant pis s’il se déplace comme un paraplégique en rollers, ou s’il affronte des ennemis à l’intelligence variable et parfois surprenante. La véritable avancée ludique sera pour la prochaine fois, lorsque 47 laissera ses oripeaux d’assassin un peu gauche pour ceux, plus flamboyants, de félin indétectable et vicieux.