Divergences esthétiques, dichotomie souris-clavier délicate à retranscrire sur joypad, l’histoire d’amour-haine entre consoles et FPS a connu de nombreuses secousses affectives, des adaptations plus ou moins accomplies des grands classiques PC (de Half life à Unreal tournament) aux tentatives désespérées de créer des standards sur console (Outtriger sur Dreamcast). De fait, le potentiel de réussite de Halo, première véritable killer-app autoproclamée de la Xbox, ne tiendrait pas tant au fait que le jeu innove et transcende les caractéristiques du genre, mais plutôt de son aptitude à proposer une jouabilité satisfaisante sur joypad. Un stick analogique pour avancer / reculer / marcher de côté, un autre pour diriger le champ de vision : pour les habitués de Resident evil-like, ou MGS-like, pas facile de s’adapter à une maniabilité aussi segmentée. Le récent échec de Max Payne, « third person shooter » répondant aux mêmes attributs de manoeuvrabilité, sur PS2, l’a malencontreusement prouvé : le challenge n’était pas gagné d’avance pour l’équipe de Bungie.

Si Halo a largement mérité les lauriers qu’on lui a tressés ici ou là, c’est donc bel et bien parce qu’il est parvenu à rendre le contrôle bipolaire de son cyborg-guerrier sur-armé supportable. Un petit temps d’adaptation pour les réfractaires aux FPS et puis, ça devient vite une seconde nature, à peine brisée par le maniement des divers véhicules -jeeps, vaisseaux, etc.-, nettement plus pénibles, surtout dans des espaces confinés. Mais est-ce suffisant pour démarquer le wannabe-a-hit de Bungie ? Pour être franc, le point fort de Halo, c’est indiscutablement les extérieurs : une planète bucolique, entachée çà et là de quelques constructions extra-terrestres. Rien de bien original, mais le côté champêtre de Halo est un véritable régal pour les yeux. Et permet à ceux qui auraient du mal avec l’esthétique PC-SF de rentrer en douceur dans un univers qui diffère notablement de la plupart des productions nippones sur console. Le scénario quant à lui ne casse pas trois pattes à un canard, même s’il se complexifie parfois à grands renforts de ramifications emberlificotées. Qu’importe : cette lutte aliens intégristes religieux (!) vs. humains acculés permet de rappeler aux plus cinéphages les meilleurs moments de référents on ne plus classiques. De Starship troopers -un « débarquement » sur une plage paradisiaque en compagnie de marines déchaînés, l’infiltration nocturne d’une base ennemie le sniper à la main-, à Predator -la lutte désespérée d’un petit groupe de soldats contre une créature surhumaine en combinaison de camouflage optique- en passant par Aliens -un épisode marécageux franchement flippant. Certes, les ennemis, ici, sont nettement moins effrayants que les insectoïdes carnassiers du film de Verhoeven. Ils sont même parfois plutôt comiques : les « grunts » notamment, piétaille pleutre et bavarde qui commente l’action d’une voix de Teletubbies enrhumé. D’autres font tout de même vite office de nemesis : les terribles « hunters » au dos hérissé de piquants, quasiment indestructibles. Tous, en tout cas, font preuve d’un comportement bien spécifique, certains sont plus courageux que d’autres, se précipitent sur les canons, les vaisseaux, esquivent vos tirs avec dextérité, rameutent la foule. L’IA est particulièrement efficace, dommage qu’il n’y ait que quatre races d’ET différentes, si on met de côté quelques (mauvaises) surprises -l’attaque grouillante et aveugle des « floods », scène d’ores et déjà purement anthologique.

Hélas, dès qu’on pénètre dans les nombreux bâtiments disséminés dans l’univers enchanteur de Halo, on déchante rapidement. Les magnifiques extérieurs, un peu désertiques mais magnifiquement texturés, font place à des décors nettement moins inspirés, genre techno-SF de base. Pour rallonger la sauce, Bungie n’a qui plus est pas hésité à répéter de manière abusive les mêmes artifices architecturaux et à multiplier les allers-retours au-delà du raisonnable. Le jeu devient plus bourrin, plus répétitif, et l’ennui vient parfois poindre le bout de son nez. Heureusement, entre excitation et exaspération, c’est tout de même le premier sentiment qui finit par dominer. Halo rattrape toujours ses défauts avec de grandes saillies de game-design intelligent et stratégique souvent dotés d’un sens indéniable de la mise en scène. Si on ajoute à cela un mode coopératif particulièrement alléchant et un multi-players en écran splitté plus qu’honorable, on ne peut que se rendre à l’évidence : Halo nous a converti aux FPS sur console, et c’est en soi un exploit.