Surprise : malgré son titre, Halo 3 : ODST ne constitue pas tant une suite de Halo 3 qu’un croisement compact, abouti et inespéré entre les deux premiers épisodes de la série. Aux prodigieux chapitres introductifs de Halo 2, ODST emprunte le décor : la cité portuaire fictive de New Mombasa au Kenya, cette fois représentée sous la forme d’un seul et immense niveau. Le héros, un marine récemment intégré aux troupes de choc aéroportées, part à la recherche de ses cinq compagnons, dispersés après un accident de capsule. Il traverse les ruines de la ville dans des séquences d’exploration nocturne aux accents de film noir. Ciel rougeâtre et pluvieux, piano mélancolique, saxophone feutré, l’atmosphère, très réussie, se veut plus intimiste qu’à l’accoutumée : plutôt qu’à des enjeux cosmiques reposant sur les épaules d’un surhomme, c’est surtout aux soldats que le jeu s’intéresse, même si les personnages et dialogues sans relief empêchent le scénario de décoller.

Quand le héros trouve un objet ayant appartenu à l’un de ses camarades, il revit en flash-back des scènes d’action auxquelles les disparus ont pris part. Base assiégée, vaste parc aux mains des extraterrestres Covenants ou parcours dévastateur en tank dans les rues de New Mombasa : ces passages, variés et impeccablement rythmés, composent un best of de séquences représentatives de la série, si brillantes qu’elles finissent par dissiper le sentiment de déjà vu. Chaque section, chaque recoin, chaque situation autorisent de multiples approches, à la faveur d’une inimitable alchimie entre l’architecture, l’intelligence artificielle et le placement des armes, véhicules et ennemis. En dehors du premier Halo, aucun épisode de la saga n’avait porté la formule à ce degré d’équilibre et de flexibilité. En difficulté « Héroïque » ou « Légendaire », on recommence volontiers les meilleurs passages d’ODST. Encore et encore. Pour tenter de nouvelles stratégies. Pour mesurer combien le choix des armes, qui se valent toutes selon les circonstances, modifie le déroulement des combats. Pour contourner les aliens en se cachant derrière des éléments du décor ou dans des immeubles. Pour se délecter des réactions en chaîne monstrueuses et hilarantes provoquées par les explosions (les nabots Covenants kamikazes, une grenade bleutée dans chaque main, s’avèrent bien plus nombreux que dans Halo 3). Pour s’imprégner d’une ambiance crépusculaire qui tient enfin les promesses de la première bande-annonce d’Halo 2.

Sûrement conscient de tenir, avec ODST, quelques-uns des plus beaux morceaux d’anthologie de la série, Bungie en a conçu un captivant prolongement : le mode « Baptême du feu », une course au score qui reprend les arènes les plus marquantes de l’aventure solo. De un à quatre joueurs y affrontent des vagues d’ennemis aléatoires. Le nombre de vies limité, les extraterrestres qui affluent par dizaines, l’apparition progressive de handicaps (opposants plus résistants, esquivant mieux les grenades ou en portant davantage, etc.) génèrent des parties follement intenses et imprévisibles. Alors que Microsoft avait initialement annoncé ODST comme une simple extension à prix réduit d’Halo 3, le « bac à sable », l’espace d’expérimentation construit ici par Bungie se révèle, contre toute attente, inépuisable. Une fois de plus.