Au milieu d’un désert ludique croissant, Geoff Crammond a tout du vieux gourou, longue barbe blanche comprise, qui transforme de vulgaires galettes de silicium en nourriture quasi spirituelle. Loin du premier miracle sous l’égide de l’ancienne divinité Amiga, la résurrection pour la troisième fois consécutive de Grand Prix achève de témoigner des pouvoirs surnaturels du maître en la matière. Qui plus est, l’accession au stade de fidèle est des plus aisées. Ici, pas la peine d’apporter son lot de lance-roquettes et autres chars d’assaut, un simple effort de concentration suffit. Un recueillement certain, la connaissance de formules tenues secrètes sont les clés qui ouvriront les portes d’un univers en pleine expansion. Ne pas oublier cependant de psalmodier quotidiennement « Réalisme » sur un ton respectueux.

Ces quelques exercices préparatoires achevés, l’initiation peut enfin commencer. Premier stade : le plan d’existence. Peu de surprises accueillent le novice, mis en condition par le matraquage médiatique. C’est avec une délectation certaine que le joueur choisit de phagocyter les corps de pilotes et d’écuries aux noms prestigieux, entre Hakkinen et Alesi, Ferrari et Maclaren. Sous licence FAI, Grand Prix 3 retranscrit avec fidélité la saison 1998 de Formule 1 à travers des modes connus de tous. Pour monter sur la première marche du podium et asperger ses adversaires d’un champagne millésimé, une seule solution : s’installer dans des cockpits exigus et remporter des courses au quatre coins du monde sur des circuits réels, à grand renfort de gomme brûlée, de crissements de freins et de moteurs surchauffés.

Seconde étape : le plan de consistance. L’introduction dans la secte des as de la Formule 1 est plus ardue. Avant chaque course, il est de bon ton de régler son bolide : non pas seulement choisir la couleur de la carrosserie et les bandeaux publicitaires à disposer au premier plan, mais plutôt mettre les mains dans le cambouis et gérer les dizaines de paramètres à prendre en compte. Entre la dureté du volant, ou des suspensions et le choix des pneus en fonction de la météo, la perspective de passer plusieurs jours à écouter le doux chant du moteur surboosté et les clics des mécaniques mal huilées raviront les plus mordus. Pour les allergiques aux matières grasses, le grand ordonnateur a prévu plusieurs customisations automatiques qui accompagneront leurs premiers pas dans le monde merveilleux de la simulation automobile.

Enfin, le plan d’immanence. Premier spasme, la dernière carte vidéo flambant neuve rackettée à mémé n’est pas gérée. Bien loin des effets de textures à gogo plus lisses les unes que les autres, la gestion en mode software utilise la pixellisation pour donner un aspect vieillot et sale qui confine à une illusion des plus réussies. Qu’on se le dise, le rendu d’un arbre n’est pas seulement une question de polygones, mais aussi de facture organique. Le résultat à l’écran est confondant, qu’il s’agisse de la beauté des circuits, de la modélisation des décors ou encore des effets de matière. Les fonds de circuit s’approchent d’un photoréalisme pointu tandis que les reflets, impacts et autres détails finissent d’introduire le joueur dans un univers aux qualités sensibles et tactiles jamais atteintes. De même, la gestion des saisons est un élément à ne pas négliger. Tant du point de vue de la forme que du fond, la pluie, le vent sont des caractéristiques qu’il est nécessaire de prendre en compte afin d’éviter le crash au premier virage. Encore plus fort : la jouabilité. Etonnante pour ce type, celle-ci a de quoi convaincre les derniers récalcitrants. Une personnalisation aisée des touches, des aides au pilotage précises et efficaces sont autant d’atouts qui facilitent une conversion directe, si besoin était, à Grand Prix 3.