Le procédural est devenu la plaie du jeu vidéo indépendant. Le concept, visant à faire reposer un jeu non plus sur la singularité de son design mais sur des algorithmes (pour générer des niveaux, des d’ennemis, du scénario et tout ce qu’un studio aura la flemme de créer), a pris en quelques années une ampleur terrible sans que personne, ou presque, ne vienne sourciller ici et là – au contraire, on en redemande. Dernière victime de ce système employé le plus souvent pour limiter les coûts et créer du contenu facilement : Galak-Z, shoot’em up qui avait tout pour plaire et imaginé par une bande d’allumés américains expatriés au Japon : 17-Bit.

On a pas trop envie d’être méchant avec le jeu, déjà parce qu’il a du cachet avec son mélange d’influences nippo-américaines (pensez VHS NTSC d’Albator et de La Bataille des planètes), mais aussi surtout parce qu’on s’y amuse vite et bien. Bâtard du shmup, du dogfight et du rogue like, Galak-Z a pour lui un gameplay d’une finesse unique et instantanée, consistant à jouer sur les déplacements et la gravité du vaisseau à diriger librement dans des décors labyrinthiques bâtis comme des bacs à sable. À chaque mission un scénario qui réunis par groupe de 5 forme ce que le jeu appelle une saison – qu’il faudra finir d’une traite sinon retour à la case départ (difficulté un peu trop arbitraire mais passons). Selon les niveaux le jeu demande à remplir différents objectifs, le principal étant de survivre aux assauts ennemis en jouant avec style et stratégie de ses réacteurs propulsant le vaisseau dans toutes les directions. Bardé de power up à collectionner ou upgrader, le jeu offre un lexique joliment étoffé de nuances de gameplay à maitriser pour espérer évoluer.

Fidèle ainsi à une large tendance du jeu indé qui a mis la jouabilité pure au fronton de ses objectifs principaux, Galak-Z oublie toutefois ce qui ne fait pas seulement un bon shmup, mais un bon jeu : son level design. Générés aléatoirement d’une partie à l’autre, les niveaux ne permettent pas au joueur d’apprendre à les connaitre. Ils ne peuvent pas non plus faire l’objet d’une réelle mise en scène alors que pourtant, ironiquement, chacun d’entre eux est scénarisé – une histoire générée aléatoirement étant le comble de l’absurde puisque par essence un récit a du sens à partir du moment où celui-ci est défini selon un ordre (et un contenu) unique. Sinon toutes les histoires se valent et aucune n’est la bonne. Tout le problème du procédural est celui de l’infini : devant un jeu générant systématiquement un nouveau contenu, le joueur est face à une expérience potentiellement sans fin. Et quoi de plus ennuyeux que ce qui ne peut jamais être terminé ? Derrière chaque partie se profile une autre partie et encore une autre et encore une autre etc. C’est une pure logique de quantité sur la qualité. Pire, ce n’est pas le jeu qu’on épuise à force de le maitriser, c’est lui qui nous use : au bout du compte c’est toujours l’algorithme qui aura le dernier mot. Il est increvable.

En se pliant à cette mode crapoteuse et paresseuse du procédural, 17-Bit a gâché ce qui aurait pu être l’un des chefs d’oeuvre du nouveau shmup indé. Quel intérêt en effet trouver au parcours (et donc à chaque partie) puisqu’il se régénère sans cesse ? Comme dans toute oeuvre, celle-ci a du sens lorsqu’elle nous confronte à l’humain qui l’a conçu derrière. Quand c’est la machine qui gère, quelque chose d’un rapport à l’autre et sa création se brise. On préfère toujours apprendre les limites d’un monde, plutôt que de se retrouver devant un océan humainement impraticable de niveaux. Si on retrouve en ceci quelque chose de jeux plus traditionnels (échecs, cartes etc. où compte seulement la mécanique), oublier ce que produit leur combinaison avec une architecture classique de jeu vidéo débouche sur l’un des moments les plus déprimants d’un point de vue créatif de ces dernières années.

Le mouvement ne semble pourtant pas prêt de s’arrêter, chaque semaine ou presque sort un nouveau jeu fan d’algorithme. Certains imaginent des jeux strictement narratifs entièrement en procédural, comme si Ulysse avait pu traverser L’Odyssée dans n’importe quel ordre car après tout peu importe. Trêve d’égarement et finissons-en : l’aléatoire c’est chiant.