L’intention est fort louable : les concepteurs de Gabriel Knight 3 innovent effectivement en matière de jeu d’aventure. Ici, la caméra, c’est vous. A l’aide de la souris, le joueur se balade sous tous les angles dans le décor 3D et il suffit de cliquer sur n’importe quel point de l’écran pour voir rappliquer notre héros. Dit comme ça, le système peut paraître douteux, or il n’en est rien, c’est même particulièrement efficace. Au final, on pourrait presque se passer de l’intervention forcée du sieur Knight qu’on trimbale davantage qu’on ne l’incarne…

Un boulet quoi, si ce n’est que c’est tout de même officiellement lui qui mène l’enquête dans une sombre histoire de kidnapping à Rennes-le-Château, bourgade pittoresque au cœur de l’un des plus grands mystères de l’histoire. L’affaire ne sort pas de l’imagination des scénaristes et fait encore aujourd’hui couler beaucoup d’encre (les férus d’histoire et d’érudition doivent se rapporter aux ouvrages de Michael Baigent, Richard Leigh et Henry Lincoln édités par Pygmalion, notamment le très controversé L’Enigme sacrée, best-seller consacré au sujet). Rennes-le-Château constitue sans aucun doute une destination de choix pour les chercheurs de trésor de tout poil (Victor Hugo, Léonard de Vinci et André Malraux notamment s’y sont intéressés de très près). L’objet de toutes les interrogations ? L’abbé Saunière, obscur prêtre languedocien qui, dit-on, serait subitement et mystérieusement passé d’un état de pauvreté manifeste à celui de richissime et généreux homme d’église à la fin du XIXe siècle. Etonnant mystère où s’entremêlent les aspects occultes de notre civilisation (trésor des Templiers, des cathares, Saint-Graal, pierre philosophale, etc.) et qui fait aujourd’hui l’objet de toutes les hypothèses, y compris les plus fantasques (deux auteurs anglais affirment que la tombe de Jésus-Christ serait à Rennes-le-Château, sous le mont Cardou !). Excellent choix du contexte pour l’embrouille qui nous préoccupe : le prince Stewart souhaite que vous assuriez la protection de sa progéniture. Le noble héritier craint pour sa famille, persuadé qu’il est d’être la cible de créatures maléfiques. Parano le prince ? Pas vraiment puisque le bambin se fait justement kidnapper sous vos yeux. Lancé à la poursuite des ravisseurs, en compagnie de Grace Nakimura (toujours fidèle au poste, depuis le premier opus de Gabriel Knight), il vous faut vous rendre dans le sud de la France… à Rennes-le-Château ! Quelle chance d’avoir réserver au Grand Hôtel, celui-ci affiche complet dès lors que vous prenez possession de votre chambrée. Comprenez, un tas de touristes, tous plus louches les uns que les autres et, de fait, suspects, sont expressément venus visiter les lieux…

Tout cela laisse présager un grand jeu d’aventure n’est-ce pas ? Pour autant, une interface originale et réussie ainsi qu’un contexte accrocheur peuvent-ils suffire à nous convaincre ? Car GB 3 n’offre hélas aucune nouveauté supplémentaire et se contente pour le reste de reprendre le principe classique et éculé du bon vieux jeu d’aventure : questions / réponses à choix multiples, changement de formes du curseur selon les possibilités d’interaction à l’écran (examiner, prendre, activer…), menus contextuels, utilisation combinée d’objets dans l’inventaire et dans le décor, carnet de notes, etc. Par ailleurs, certaines énigmes se révèlent particulièrement ardues. Le jeu a beau se découper en maints chapitres (par jour et par tranche d’heure) pour limiter les champs d’investigation, difficile d’en découdre avec une logique parfois poussive et contestable. Un écueil inhérent au jeu d’aventure qui veut qu’un niveau de difficulté ne soit ni trop bas, ni trop élevé pour s’adapter à tous les joueurs. Enfin, il faut mentionner quelques bugs constatés ici et là qui entachent sévèrement la motivation du joueur. Par exemple, sur la version testée (définitive puisque packagée), le jeu plante régulièrement lorsqu’il s’agit d’espionner Lady Howard et Estelle qui jacassent dans leur coin au musée.
Dans la famille des jeux d’aventure, GB 3 n’est pas le plus mauvais, loin de là. Seulement il faut être un tant soit peu exigeant avec un genre qui peine franchement à se renouveler. On attend…