« La guerre est une chose trop sérieuse pour être laissée aux militaires ». Ce n’est pas nous qui le disons, c’est le sympathique automate qui présente Le Journal du Web sur LCI, et qui n’a rien trouvé de mieux pour conclure sa promo-chronique de Full spectrum warrior. Qu’a-t-il voulu dire par là ? Sans doute rien. Sans doute est-ce une formule toute faite, pondue par un stagiaire-pigiste en fin de contrat-qualif’, calée sur le prompteur pour boucher un trou. C’est idiot, et totalement gratuit, mais c’est assez symptomatique de l’inconscience généralisé qui domine le milieu des jeux vidéo depuis qu’il s’est mis en tête de s’attaquer à l’actualité récente. Avec le prochain Ghost recon, UbiSoft nous a déjà agacé la Corée du Nord qui a sauté sur l’occasion pour tancer vertement les Etats-Unis -pour une fois qu’ils n’ont rien fait, les pauvres… THQ, de son côté, jette de l’huile sur les cendres du conflit irakien avec Full spectrum warrior, simulateur militaire reconverti en jeu mass-market malodorant, avec grosses icônes qui brillent pour civils un peu neuneus, prêts à déplumer leur portefeuille dans l’intention de se procurer quelques frissons, confortablement affalé dans le canapé.

Septembre 2004 : la guerre en Irak semble s’être tassée -quel optimisme !-, les Américains s’emmerdent et se cherchent un nouveau bourbier. Direction le Zekistan, pays imaginaire du Proche-Orient, dirigé par un clone de Saddam Hussein porté sur le terrorisme, les massacres de populations civiles et le pétrole. Soutenus par la communauté internationale, les Etats-Unis repartent la fleur au fusil pour déloger le vilain dictateur. Et c’est reparti pour un tour… Ca tombe bien, les « héros » de Full spectrum warrior ne demandent que ça. Descriptif d’un de nos vaillants soldats : « il n’a jamais autant pris son pied qu’en Irak ». Humour militaire ? On croit rêver.

Que Full spectrum warrior soit nauséabond, ça ne fait aucun pli. Le genre de jeu à placer un point de sauvegarde à côté d’un charnier, entre autres joyeusetés. Mais il y a une justice, le jeu de THQ finit par se prendre les pieds dans sa propre déjection et son obsession maladive pour le réalisme : la guerre urbaine, ça n’est pas aussi fun que ça en a l’air. Malgré un démarrage plutôt engageant, le temps d’un tutorial interminable et de quelques missions d’échauffement qui donnent l’illusion de développer un concept original. Et puis on finit par comprendre : Full spectrum warrior n’est rien de plus qu’un STR à la troisième personne, filmé à hauteur d’homme, chaotique comme un reportage de guerre caméra à l’épaule. THQ a voulu nous faire passer des vessies pour des lanternes, un simple changement de point de vue pour une révolution de fond. Un cache-misère donc, qui masque difficilement un jeu épuisant rapidement ses maigres possibilités. Plus intuitif que prévu -trop, peut-être-, Full spectrum warrior est un STR simpliste et répétitif dans lequel le joueur est relativement passif. On déplace ses unités, d’abris en abris, on essuie quelques attaques de mercenaires enturbannés, et on regarde le résultat, comme devant un bon film de guerre qui traînerait en longueur. Privé du soutien d’un véritable imaginaire, plombé par son approche presque documentariste et un gameplay à court terme, Full spectrum warrior s’essouffle. A peine sublimé par le gigantisme vertigineux de certains environnements (l’aéroport, le palais du dictateur), qui rappellerait presque un Prince of Persia : Sands of time version post-apocalyptique, il trouvera sans doute son public. Parmi des joueurs aveuglés par la bêtise ambiante et au final bien peu regardants sur la qualité.