On s’est souvent pris à rêver d’un jeu qui mêlerait un concept mégalo-ludique à la Molyneux et le savoir-faire esthétisque des game-designers japonais. Aussi inattendu que cela puisse paraître, ce rêve de jeu là existe déjà plus ou moins, à quelques imperfections près, et à l’insu de la plupart des joueurs, avec Doshin the giant. Le sympathique géant jaune a accompli ses premiers hauts-faits sur 64DD, extension méconnue de la N64. Il revient, après un joli flop commercial mais un beau succès d’estime se faire lifter sur GameCube. Créé avant Black & white, Doshin n’en reste pas moins un avatar du game-design selon Molyneux, entre Populous et Magic carpet. Un god game, donc, mais repensé à travers le prisme de l’esprit nippon, zen et kawai…

En effet, ici, pas de guéguerre avec les forces du mal, l’archipel paradisiaque de Barudo est un océan de quiétude à peine entachée par quelques fléaux naturels -tornades, incendies, éruptions volcaniques. Une entité mystérieuse, Doshin, y fait office de divinité locale. C’est un géant jaune, qui meurt à la tombée du jour et renaît à l’aube -une idée magnifique-, et qui se nourrit des sentiments humains pour grandir et acquérir plus de puissance. Plus on l’aime, plus il se développe et plus il est efficace dans sa tâche, qui consiste à aider plusieurs tribus à se développer. Doshin peut modifier la topographie, planter des arbres, répondre aux besoins quotidiens des villageois. Et s’il fait bien son boulot, les indigènes finiront par élever des « monuments ». Il s’agit d’en posséder 16 au bout de 50 jours, en favorisant le métissage culturel, ou en créant de nouveaux villages.

Doshin est plus un jeu qui se savoure et s’éloigne du gameplay pur et dur. On sait que le ludisme à la nippone ne s’embarrasse pas forcément d’un but ou d’une fin en soi… On ne s’étonnera donc pas de ne pas vraiment rencontrer de challenge ni d’obstacles. Doshin est de ce fait un jeu plutôt piétonnier et contemplatif. Qui pourra soit provoquer un ennui profond, soit enchanter par son atmosphère bucolique et ensoleillée, sa musique relaxante et la simplicité du concept. La seule difficulté provient finalement des lacunes de maniabilité, souvent brouillone, voire calamiteuse lorsqu’il faut faire preuve de précision. Le jeu pêche parfois par manque de finition, que ce soit au niveau technique ou ludique. L’idée de la double identité du géant par exemple est terriblement sous-exploitée. Sous sa forme maléfique, le rouge-luisant Jashin, il ne sert pas à grand-chose si ce n’est à détruire tout ce qui pourrait gêner le développement des villageois et éventuellement les tirer de leur paresse. En fait, on l’utilise principalement pour voler lorsque la lenteur pachydermique de Doshin dépasse les limites du supportable.

A force de simplicité, Doshin flirte il est vrai quelque fois avec le simplisme. C’est sa limite. Ceux qui ne sauront pas savourer sa quiétude tropicale risquent de s’ennuyer ou de ne pas avoir la patience de se débrouiller avec une jouabilité quelquefois frustrante. Plus une tentative prometteuse qu’un véritable accomplissement, Doshin aura au moins essayé de concrétiser un mix particulièrement séduisant. Le résultat n’est pas tout à fait à la hauteur de ses ambitions, mais ce genre de concept est suffisamment rare sur console pour se permettre de louper bêtement le côche.