En mariant le dungeon crawler et la dating sim, Persona 4 a indéniablement fait souffler un vent de fraîcheur sur le J-RPG. L’année scolaire passée dans le lycée de province tient de l’expérience inoubliable, tant les scénaristes d’Atlus ont su transcender les clichés de l’anime pour nous offrir une galerie de personnages réalistes, attachants, humains. Six ans plus tard, les souvenirs des journées pluvieuses passées à la cantine du centre commercial avec Yukiko, Chie et Yosuke, les plongées éperdues dans des donjons surréalistes, les soirées devant la télé avec la petite Nanako nous illuminent encore. Las, malgré le patronage d’Atlus qui publie le jeu en Occident, en reprenant la structure ludique de Persona, Spike Chunsoft la vide de toute finesse : Conception II est un anti-Persona, un Perversona, et surtout un jeu détestable.

Le protagoniste vient d’intégrer un lycée d’élite réservé aux adolescents doués d’une énergie hors du commun qui leur confère le pouvoir de combattre de monstrueux envahisseurs. Notre jeune et fade héros se révèle être l’élu des dieux : il dégage un fluide magique – ah, les hormones – d’une telle intensité qu’il est prioritaire pour engrosser spirituellement les jeunes filles les plus douées. S’offre donc à lui un harem de promises, avec lesquelles il va partir explorer des donjons, accompagné d’une progéniture de pokégosses. On reste pantois devant pareil pitch, et le jeu s’efforce à nous surprendre par un crescendo ininterrompu de crétinerie sexiste. Au point que lorsqu’il s’agit de les recenser, on ne sait plus trop où donner de la tête. Pour donner du piquant à des dialogues à l’humour aussi plat que potache, les développeurs ont eu la riche idée d’animer les « nibards » des « donzelles », il paraît que ça se dit comme ça. Quelle prouesse technique ! Afin d’agrandir sa petite famille, le héros va copuler à tout va avec sept jeunes femmes, évidemment underage, mais ce n’est pas grave, en fait il s’agit seulement de se prendre la main et de rougir juste un peu, le reste c’est à nous de l’imaginer, aidé par de lestes sous-entendus de corps de garde. Quelle profonde réflexion sur la sexualité adolescente.

Paradoxalement, la pruderie affichée du jeu rend le dispositif encore plus répugnant. Quoiqu’on pense de la pornographie, il arrive que celle-ci laisse place au désir féminin, qu’elle montre des femmes assumant leur sexualité. Les jeunes filles de Conception II ne sont certes pas de pures bimbos dépourvues de qualités : premières de classe ou déléguées, jeunes professeures ou championne de natation… Elles n’en restent pas moins pour le joueur de simples objets de désir, qui n’ont pas vraiment leur mot à dire quand il faut passer à la casserole. Avant la copulation, elles doutent, elles hésitent. Après, elles rougissent, mais sont bien contentes d’avoir été honorées par le mâle alpha qu’incarne le joueur. Elles lui demandent de l’accompagner dans les donjons, où elles s’équipent comme un objet permettant au joueur de bénéficier de pouvoirs supplémentaires. Mais attention, « souvent femme varie », et les demoiselles ont leurs humeurs, que le joueur devra gérer s’il veut accroître leur fertilité, soit en leur disant de belles paroles – les femmes c’est comme les plantes, il faut leur parler –, soit en leur offrant des cadeaux à leurs goûts, car on sait bien que la ménagère est matérialiste. Comment espérer mieux d’un jeu qui s’ouvre sur un presque viol, lorsqu’un prêtre grivois explique à une jeune femme que bon, pour le bien de l’humanité, il va tout de même falloir qu’elle ne rechigne pas trop à être fécondée par le héros ?

On s’en voudrait presque de l’ajouter, comme si ça ne suffisait pas : Conception II est un jeu très médiocre. Les donjons générés aléatoirement sont laids, le système de combat basé sur le positionnement est brouillon, et ne parvient pas à masquer la répétition du grind. En remplaçant l’âme d’un Persona par de mesquines hormones, Spike Chunsoft livre un enfant grotesque, un petit morveux, machiste, et évidemment à éviter.