Initiant une nouvelle série d’opus spin off en 2D inspirés des bandes dessinées d’Assassins Creed, Chronicles entend encore grossir les rangs d’une licence déjà obèse, autant par son nombre d’épisodes que ses mécanismes. En partance pour une relecture historique de la Chine du XVIème siècle, le premier voyage de cette désormais licence parallèle n’échappe pas à la règle – et tant pis s’il a été conçu ailleurs que dans les bureaux ordinaires de l’éditeur (par les britanniques de Climax Studios, entre autres derrière Silent Hill Shattered Memories et divers portages). Inspiré par Mark of the Ninja (référence néo-rétro avouée qui jure un peu dans un contexte chinois), et le fond de commerce habituel d’Assassins Creed, Chronicles China alterne donc plateforme et infiltration dans des décors en fausse 2D jonglant en continu avec la perspective. Si la direction artistique, empruntant aux estampes chinoises, se révèle plutôt fine (puisque relisant sans hérésie les principes d’une peinture qui a su donner une profondeur à l’image avant l’Occident), très vite les choses se compliquent quand à l’épure du trait, vient se greffer le gameplay et son épais mode d’emploi.

On ne change pas une équipe qui gagne et Chronicles prend ainsi immédiatement le joueur en charge, le bombardant de tutoriaux à l’heure où l’on ne parle que du taiseux Bloodborne. On espérait se retrouver devant un Prince of China, c’est raté. Avec une certaine mauvaise foi, ou bien par flemme, on peut bien sûr se blottir dans cet assistanat, se sentir sécurisé devant un jeu où rien n’est laissé à l’abris du hasard. Mais quoi de pire que la peur de ne pas être compris ? Et quoi de pire encore que ces explications qui finissent toujours par s’accumuler : le premier niveau n’est pas terminé que déjà le cauchemar de Watch Dogs refait surface. Cela fait des années que ça dure, qu’on se sent pris pour un handicapé alors que les mécanismes finissent par révéler leur pauvreté au bout de quelques heures de jeu. Aucune confiance n’est donnée au joueur englué dans cette science du game design aux airs de pudding. Après ce sempiternel chemin de croix tuant tout éveil et curiosité, on peut tout de même éprouver ce qui a été laborieusement appris (« appuyez pour sauter », merci !).

Si l’expérience est ici loin d’être honteuse et parfois agréable (quelques passages nécessitent un vrai calcul et permettent de jolis enchainements), reste que la saturation d’explications a pour effet de nuire à la créativité du joueur (en tout cas sa perception). On ne peut enlever à Climax la volonté d’avoir offert une certaine latitude répondant au classique binôme action / infiltration d’Assassins Creed. Mais il y a quelque chose dans son level design qui plutôt que laisser le joueur devant des situations flattant son ingéniosité, et son style (ninja forcément), le met devant un éventail de possibilités qui sont comme des cases à cocher selon les modalités du tutoriel. Il n’y a pas de logique d’apprentissage par l’expérience, pas de grâce dans l’acquisition du geste et donc de la victoire, mais une volonté d’appliquer une somme de possibles à laquelle le joueur doit se soumettre. Dit autrement, tout est un peu trop téléphoné.

Si Chronicles échappe un peu au problème du gommage de la difficulté, il reste un produit Ubisoft, obsédé par cette fluidité molle qui vole au joueur son intelligence. Opportuniste mais pas racoleur, le projet n’est pas dénué d’idées (son système de couverture, plutôt malin) mais il lui manque, comme aux blockbusters de l’éditeur, une identité. Ce truc qui dépasse le sentiment d’assister à une copie surproduite d’indie game pour faire patienter entre deux gros titres d’une série qui ferait mieux de prendre des vacances. Pas de chance, deux autres épisodes, en Inde et en Russie (communiste), sont déjà prévus.