Est-ce le désir de mettre en perspective les dessins du XVIIe qui a décidé les commissaires d’exposition Emmanuelle Brugerolles et François Bouillon à établir un parallèle avec des dessins d’artistes les plus contemporains possibles ? Il s’agit sans aucun doute pour nous de renouveler constamment notre regard, de savoir tirer le meilleur de l’académisme et d’exercer notre regard à la lumière de ces deux époques séparées par presque quatre siècles désormais. Le dessin du XVIIe dans les collections de l’Ecole des Beaux-Artsmet à l’honneur l’influence des écoles, en particulier celle de l’Académie royale et de Rome, avec des peintres et dessinateurs d’une veine sensiblement différentes. Parmi tous les artistes exposés, le peintre néoclassique Nicolas Poussin, le théoricien et peintre de Louis XIV Charles Le Brun ou le paysagiste Le Lorrain sont les plus connus. Dessin en cours…, quant à elle, expose des étudiants ; la sélection est des plus intéressantes et des plus enthousiasmantes ! On est impressionné par la facture des différentes œuvres qui, même réalisées dans des médias divers, nous interrogent toutes sur le processus du dessin et de la représentation.

Les dessins de Poussin, exécutés entre 1630 et 1650, nous invitent dans l’univers de la mythologie et des scènes bibliques, notamment avec son dessin préparatoire du Jugement de Salomon. On sait combien il a pu influencer Charles Le Brun dans sa formation lorsqu’ils vinrent tous deux à Rome étudier l’art de Raphaèl et la sculpture de l’Antiquité. Ici, c’est pourtant plus sur l’anatomie des corps et la recherche du relief que Charles Le Brun appuie ses recherches. De l’Etude d’ange le bras levé à l’Etude pour un masque de Méduse, il s’ingénie à construire des projets de décors peints ou en stuc, d’hôtels particuliers ou d’églises. Le Lorrain, surnom de Claude Gellée, nous emmène encore dans les paysages classiques et romantiques qui rappellent deux moments de sa vie : le séjour à Rome comme assistant du paysagiste Agostino Tassi et celui à Naples, élève du miniaturiste allemand Gottfried Wals.

Comme ces grands peintres dont on admire tant la maîtrise et le style, et dont la renommée, pour la plupart, n’a pas à être rappelée, les étudiants actuellement aux Beaux-Arts donnent au dessin une place fondamentale, soit pour l’étude elle-même, soit pour en faire des installations, c’est-à-dire mettre en valeur le dessin dans la singularité même de sa technique. La remarquable installation de Tanya Carta illustre bien cette dernière tentative.

Depuis l’académisme du XVIIe, on voit comment les études d’après nature, de nus, de natures mortes toujours enseignées à l’Ecole des Beaux-Arts ont pu amener les artistes à avoir un rapport différent avec le modèle et changer la manière d’aborder le cadre et la composition. Il s’agit de s’entendre avec la tradition, d’en comprendre les inventions et de confronter le réel à la matière du dessin, répondant à leur manière à ces polémiques du XVIIe siècle sur le dessin ou la couleur.