Jacky Goldberg, critique cinéma aux Inrocks et chroniqueur dans l’émission Le Cercle, nous présente le chef de file de la comédie moderne américaine Judd Apatow. Touche à tout hyperactif, l’ancien auteur pour l’émission culte Saturday Night Live est aussi le réalisateur des comédies 40 ans toujours puceau, Superbad, Funny People, producteur de Freaks and Geeks ou Girls, et grand découvreur de talent.

Au fil d’un parcours typique du genre – du SNL à la série déprogrammée après 18 épisodes en passant par la création d’un Ocean’s Eleven du rire national – Jacky Goldberg sème pour nous les graines d’une success story dont on perçoit mal le caractère révolutionnaire. Le récit est lui aussi, typique. Sautant de film en film, chronologiquement, la structure narrative est linéaire au possible : du Judd looser du lycée, ses influences, aux premiers échecs de l’incompris en avance sur son temps pour finalement arriver à la reconnaissance et aux disciples. Une frise qui a tendance à ennuyer.

Si, d’après Jason Siegel, le cinéma d’Apatow est une thérapie, « un moyen de réaliser que nous faisons tous parties d’une collectivité de fucks-ups », Goldberg semble partager cette ambition en traitant ses intervenants comme Apatow traite ses personnages : il ne s’agit pas ici de fantasmer des stars d’Hollywood mais bien de montrer des humains « normaux ». Manque de chance, on ne peut s’empêcher d’y voir en fait un réalisateur de comédie « normal » : finalement peu à l’aise de ce côté-ci de la caméra, un angoissé dans la veine d’un Woody Allen moins bavard. Si le but était de démontrer de l’original « liberté artistique » du réalisateur, Jacky Goldberg ne parvient à nous éclairer que sur le fait qu’Apatow est comme les autres : dans tous ses films, il parle de lui.

Alors, comme l’on s’attache à George Simmons (Funny People) ou plutôt à Andy Stitzer (40ans toujours puceau), on s’attache aussi à Judd Apatow : drôle, talentueux, modeste. Peut-être un peu trop modeste justement, ce qui oblige Goldberg à compter davantage sur les éloges de l’entourage plutôt que sur les confidences du principal intéressé. Cette avalanche d’admiration et de reconnaissance noie le film dans un cercle vicieux d’autopromotion. Non seulement en une heure de film, personne ne s’aventure à mentionner le nom de Mark Brazill, ancien collaborateur d’Apatow qui l’a mainte fois accusé de plagiat, mais la justification permanente des blagues gentiment lourdingues de ses œuvres majeures achève le peu de recul qu’il nous restait lorsque Sans Sarah rien ne va se transforme en « Education Sentimentale en tongues » ou que l’on nous glisse l’idée du « burlesque intériorisé » dans 40 ans toujours puceau. D’après Goldberg, faire le bien dans un film d’Apatow serait une « sacerdoce, une malédiction ». Il faut croire qu’en dire trop de bien aussi.