A base de détournement publicitaire, les T-shirts estampillés de messages gentiment provoc’ ou franchement subversifs pullulent dans nos cités. Petit état des lieux du phénomène avec Nicolas Rosemain et Christian Buret, deux artistes-créateurs qui renouvellent la tendance.

Eté comme hiver, le T-shirt évangélise pour la contre-culture. « Oldies but goodies » chez Kulte, alors que Serial Killer bloque sur les tueurs du cinéma américain et Hooks Ups sur les Pin Up débridées. On connaît la spécialité de Porn Star… Les grandes marques et leur slogan passent également à la machine, détournées et retournées : Bic = Hic, Kinder surprise = killer surprise, etc. Rédacteur en chef du magazine de skate board, Tricks, John en choisit un tous les matins en fonction de son humeur. Sa préférence va justement aux détournements de marque : « N’importe quel iconoclaste s’y retrouve ». Cette seconde peau, c’est son panneau d’affichage à lui.

Beatum

La star du moment s’appelle Nicolas Rosemain. Il se cache derrière la marque Beatum (prononcez bitume). A son palmarès : le code barre 75018, Enviedeken, détournement du logo Heineken, ou Fuck, délicat clin d’oeil à son amie qui travaille à la Fnac. Pour lui, « un t-shirt ne se montre pas, il se porte, il est en accord avec soi-même. « Fils du 18e, il revendique ses attaches urbaines. Al Pacino l’inspire aussi bien que Jack Nicholson en Joker. Son trip ? Poser des images parently-explicite, comme ça, pour la provoc’. Le Hip-hop l’a lancé et aujourd’hui il vit de ses créations. En moins de deux ans il a fait son entrée dans plusieurs boutiques à Paris et en province. Passionné de graphisme sans être tagger, il a fait couler l’huile de coude et ça marche.

Christian Buret

Passionné d’imagerie religieuse, Christian Buret, s’est lui aussi lancé dans la création de T-shirts, mais dans un tout autre domaine. Notre homme a eu ses premiers chocs picturaux en découvrant les oeuvres du Tintoret et les mosaïques de Ravenne : « Je suis athée, ce qui m’attire dans la religion, c’est le côté humain, le fait que les hommes l’aient créé pour se protéger de ce qu’ils ne comprennent pas » Dans ses tableaux, il reprend des thèmes de l’iconographie chrétienne et les transpose dans son univers aux couleurs éclatantes, à l’humour décalé. Pas surprenant que la proposition de rafraîchir les bas-reliefs représentant les scènes du Calvaire du Christ, dans l’église de Saint-Jorioz, l’ait immédiatement séduit. « Il s’agissait seulement de remettre en couleurs des épisodes sculptés datant de la fin du XIXe ». Ce qui limite de fait considérablement le champs créatif. En cherchant comment échapper à cette frustration et à se réapproprier son travail, Christian Buret a alors eut l’idée de cette transposition sur T-shirts.
Des créations pour faire réagir

Son interprétation personnelle intervient dès la prise des photos, avec le choix du cadrage et des détails. Souvent des gros plans de visages. Habitué à travailler sur des matériaux différents, des capots de voitures, des cartons d’emballage, ou des lampes de poches, Christian Buret souhaite se réapproprier non seulement l’image, mais aussi le support. « L’idée de la reprographie sur T-shirts est née de la volonté de créer un décalage entre la valeur symbolique que portent ces images dans leur contexte habituel, et la façon dont elles seront perçues par un public différent ». Ces symboles d’une certaine rigidité sont ainsi transposés sur les objets les plus représentatifs de la consommation de masse. « C’est aussi une manière de sortir l’art de l’atelier, de le faire entrer un peu plus dans le quotidien » note cet amateur et collectionneur d’icônes kitsch, issu de la génération du Pop Art. Pas question de renier ses influences. Christian Buret aime glisser d’un registre à un autre, et surtout « faire réagir ». L’accessoire textile n’est pas simple support pour l’image, il a son importance au sein de la démarche artistique. De manière formelle, en tant que « moyen de diffusion », mais surtout pour sa valeur symbolique : l’art dit « sacré », est greffé dans un contexte profane pour servir un tout autre culte : celui de l’apparence et de la mode.

Notez qu’il vous suffit d’un PC (ou un Mac) et de fouiller un peu la Toile pour récupérer les logos de quelques unes de vos marques fétiches. Parce qu’elles le valent bien. Pour les produits finis, deux ou trois bonnes boutiques à Paris* vous attendent, avec des perles de 100 à de 250 francs. De l’art à portée de tous.

et

* Les bonnes boutiques :
Ekivok : 39, boulevard Sébastopol – Paris 1er
Le Shop : 3, rue d’argout – Paris 2e
Red corner : rue Houdon – Paris 8e

Impression de T-shirts personnalisés :
Transferatu : 36, rue Cardinal Lemoine, Paris 5e
Magic Store : 29, rue keller, Paris 11e